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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/89

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bien que pleins de talent, ne se soucient pas de faire des raccourcis. Néanmoins, quand ils en voient de beaux et de difficiles, non seulement ils ne les blâment pas, mais encore ils leur décernent de suprêmes louanges. Les artistes modernes en ont fait quelques-uns qui sont difficiles et pleins d’à-propos ; par exemple, sur une voûte, les figures qui regardant en haut fuient et se raccourcissent. Ce sont de celles-ci que nous voulions parler par le titre, et qui ont tant de vigueur qu’elles paraissent percer la voûte. On ne saurait les faire, si on ne les copiait sur le vivant, ou d’après des modèles placés à des hauteurs convenables, de manière à donner l’attitude et le mouvement voulus. Certes, les difficultés de ce genre présentent, une fois résolues, une grâce extrême et une grande beauté ; c’est un art vraiment terrible. On verra, en lisant les Vies de nos artistes, qu’ils ont donné un relief considérable à de pareilles œuvres, et qu’ils les ont amenées à la dernière perfection ; aussi en ont-ils retiré de grandes louanges. On appelle raccourcis de bas en haut les figures qui sont dressées, et que pour voir il fout lever les yeux, au lieu de s’étendre vers la ligne d’horizon. Comme il faut lever la tête pour les regarder, et qu’on découvre d’abord la plante des pieds et les parties inférieures du corps, ce nom leur a été justement donné.


Chapitre IV. — Comment on doit unir les couleurs à l’huile, à fresque età détrempe. Comment les chairs, les draperies, et tout ce que l’on peint, doivent être unis dans l’œuvre, de manière que les figures n’aient pas l’air en plusieurs morceaux, qu’elles aient relief et vigueur, et rendent l’œuvre claire et franche.


L’unité dans la peinture est le contraste des couleurs juxtaposées, qui, par la diversité des extrêmes, montrent nettement distinctes l’une de l’autre les parties d’une figure, comme, par exemple, les chairs diffèrent des cheveux, et une draperie d’une certaine couleur diffère d’une autre. Quand ces couleurs sont mises en œuvre vives et ardentes avec un contraste déplaisant, si de plus elles ont beaucoup de corps, comme les faisaient autrefois certains peintres, le dessin en souffre, au point que les figures sont plutôt des plaques de couleurs qu’une peinture faite au pinceau, qui doit les éclairer ou les ombrer, les faire apparaître naturelles et de relief. Par conséquent, toutes les peintures à l’huile, à fresque ou à détrempe, doivent être tellement unies dans leurs couleurs, que les figures, qui, d’après le sujet, sont les principales, soient exécutées très claires, en ne les couvrant pas de draperies de