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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/120

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lui parut d’un heureux présage, il voulut que ce fils unique, car il n’en eut pas d’autres, par la suite, fût allaité par sa mère, et que dans ses premiers ans il s’inspirât des mœurs paternelles à la maison, plutôt que de contracter des habitudes basses et grossières, dans une maison de paysans ou d’hommes du peuple. Quand il fut un peu plus grand, son père le mit à la peinture, remarquant en lui une inclination vers cet art et un beau génie ; il ne se passa pas beaucoup d’années que Raphaël, encore très jeune, lui fût d’un grand secours, pour de nombreux travaux qu’il exécuta dans l’état d’Urbin. Finalement, ce bon et tendre père, reconnaissant que son fils ne pouvait plus rien acquérir auprès de lui, résolut de le placer chez Pietro Perugino qui, à ce qu’on lui dit, tenait le premier rang parmi les peintres d’alors. Étant allé à Pérouse, et n’y trouvant pas Pietro, il s’occupa de quelques travaux à San Francesco, pour l’attendre plus commodément. Pietro étant revenu de Rome, Giovanni, qui était aimable et de bonnes manières, se lia d’amitié avec lui, et quand le moment lui parut convenable, il lui fit part de ce qu’il désirait. Pietro, homme très courtois et qui aimait les gens de génie, accepta de prendre Raphaël, en sorte que Giovanni retourna tout joyeux à Urbin, prit l’enfant et l’emmena de suite à Pérouse, non sans beaucoup de larmes de la part de sa mère qui l’aimait tendrement. Pietro, ayant vu la manière de dessiner de Raphaël, et ses gentilles manières, porta de lui le jugement que le temps, depuis, a fait reconnaître vrai. Il est à remarquer que Raphaël, en étudiant la manière de Pietro, l’imita si bien et en toutes choses, que l’on ne pouvait distinguer les copies de l’élève des originaux du maître, et que leurs ouvrages semblaient sortis d’une seule main, comme en font foi, manifestement, à San Francesco de Pérouse, quelques figures qu’il peignit à l’huile sur un tableau destiné à Madonna Maddalena degli Oddi, et qui représente la Vierge montant au ciel et couronnée par son Fils, tandis qu’au-dessous les douze Apôtres, placés autour du sépulcre, contemplent la gloire céleste[1]. La prédelle est divisée en trois petites histoires, l’Annonciation de la Vierge, l’Adoration des Mages, et la Présentation au Temple. Certes cette œuvre est faite avec un soin extrême, et celui qui n’est pas absolument familiarisé avec son style pourrait la croire sortie des mains de Pietro, quoiqu’elle soit, sans aucun doute, de la main de Raphaël. Après cette œuvre, Pietro étant retourné à Florence pour quelques affaires, Raphaël quitta Pérouse et

  1. Ce tableau, peint vers 1502, est actuellement dans la Galerie du Vatican. La prédelle, séparée du tableau, est également dans cette Galerie.