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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/16

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renvoya Andrea au duc[1], en le comblant d’honneurs et de présents. Pendant son séjour à Rome, Andrea, outre la chapelle du Belvédère, peignit dans un petit cadre la Vierge tenant l’Enfant Jésus endormi. Dans le fond, occupé par un montagne, il représenta quelques grottes, où l’on aperçoit des ouvriers extrayant des pierres pour divers travaux[2]. Ce tableau est exécuté avec tant de patience et de finesse qu’il ne paraît pas possible de faire si bien avec la pointe du pinceau, il est actuellement entre les mains de don Francesco Médici, prince, de Florence, qui le conserve parmi ses choses les plus rares. Sur un dessin de sa main, terminé en clair obscur, il y a une Judith qui met la tête d’Holopherne dans un sac tenu par son esclave maure[3]. Ce dessin est fait d’un clair-obscur qui n’est plus usité, car Mantegna laissa le blanc du papier, qui remplace le rehaussé à la céruse, si net qu’on voit les cheveux un par un, et d’autres finesses, non moins que si elles avaient été soigneusement tracées au pinceau. Aussi peut-on d’une certaine manière l’appeler plutôt une œuvre en couleur qu’un dessin sur papier.

À l’exemple du Pollaiodo, Andrea se plut à faire des gravures sur cuivre. Entre autres choses il représenta ainsi ses Triomphes ; ces estampes lui firent beaucoup d’honneur, car on n’avait encore rien vu de mieux. L’une de ses dernières productions fut un tableau à détrempe, à Santa Maria della Vittoria, église construite sur ses dessins et sous sa direction par le marquis Francesco, en mémoire de la victoire qu’il remporta sur les Français auprès du Taro[4], quand il était général de l’armée vénitienne contre les Français. Sur ce tableau, peint en détrempe et placé au maître-autel[5], est représentée la Madone tenant l’Enfant et assise sur un piédestal, au bas duquel se tiennent saint Michel, saint Anne et le petit saint Jean recommandant à la Vierge, qui étend sur lui sa main, le marquis peint au naturel, au point qu’il paraît vivant. Ce tableau, qui plut et plaît encore à quiconque le voit, causa tant de satisfaction au marquis qu’il récompensa magnifiquement le talent et les peines d’Andrea et le mit en état de soutenir dignement, jusqu’à la fin de sa vie, son rang de chevalier[6].

  1. Fin septembre 1490.
  2. Actuellement aux Offices.
  3. Ce dessin est actuellement aux Offices, signé, daté février 1491.
  4. Bataille de Fornoue, le 6 juillet 1495.
  5. Actuellement au Louvre, signé et daté 1495.
  6. Il eut au contraire une vieillesse difficile, et mourut criblé de dettes.