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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/206

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et qu’on ne l’a pas encore replacée autre part. Peut-être la fortune voulut-elle nous montrer que non seulement le destin peut agir sur les hommes pendant leur vie, mais encore sur leur mémoire, après leur mort. Bien au contraire, les œuvres et le nom d’Andrea sont assurés d’une longue durée et mes écrits contribueront, je l’espère, à perpétuer leur mémoire. Concluons donc que, si Andrea manqua de caractère dans le cours de sa vie, se contentant de peu, il n’en est pas moins vrai que dans l’art il eut un génie élevé et expéditif, qu’il fut habile dans tout genre de travail ; ses œuvres, outre l’ornement qu’elles apportent aux lieux où elles sont placées, ont été d’une grande utilité aux artistes, pour la manière, le dessin et le coloris, le tout avec moins d’erreurs que n’en a commis tout autre peintre florentin. En effet, comme on l’a dit plus haut, il entendit parfaitement les ombres et les lumières, la fuite des objets dans les parties obscures ; il peignit ses œuvres avec une douceur qui ne manque pas d’énergie ; il montra, en outre, la manière de peindre la fresque avec une parfaite union de couleurs et sans grandes retouches à sec, ce qui fait paraître toute œuvre sortie de ses mains comme peinte en un seul jour. Aussi peut-il être donné comme exemple de toute façon aux artistes toscans et tenir entre les génies les plus renommés la palme la plus louangeuse et la plus honorée.



 

Le ROSSO
Peintre florentin, né en 1494, mort en 1541



Si le Rosso[1] peintre florentin, ne vit pas ses œuvres appréciées à Rome et à Florence par ceux qui pouvaient les payer leur prix, il obtint, en France, toute la gloire qu’un artiste quelconque puisse ambitionner. Il ne pouvait espérer plus grande faveur, ni plus grande considération, parce qu’il fut bien vu et jugé, par ce grand roi de France, supérieur à n’importe quel autre de son métier. Outre son talent comme peintre, il avait une belle tournure, une manière de parler agréable et sérieuse, il était bon musicien et avait de profondes connaissances en philosophie ; ce qui importe plus que ses autres grandes qualités, il fut toujours très inspiré dans la composition de ses figures, avec un dessin fier et ferme, une manière légère, pleine

  1. Giovambattista, fils de Jacopo di Guasparre. Né, d’après le Livre des baptêmes de Florence, le 8 mars 1494, immatriculé à l’Art le 26 février 1516.