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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/209

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qui a atteint encore plusieurs autres maîtres. L’artiste qui change de pays, change en même temps tellement de nature, de facultés et d’habitudes, qu’on le prendrait souvent pour un autre, tant il se trouve étourdi et désorienté. C’est ce qui put arriver au Rosso, à cause de l’air de Rome, et pour avoir vu les œuvres étonnantes d’architecture et de sculpture qui y sont, ainsi que les peintures et les statues de Michel-Ange, qui forcèrent Fra Bartolommeo et Andrea del Sarto à fuir de Rome, sans y avoir rien produit. Du reste, quelle qu’en soit la cause, le Rosso ne fit jamais rien de si mauvais ; et, cela est d’autant plus frappant que son tableau se trouve en parallèle avec les œuvres de Raphaël d’Urbin.

À la même époque, il peignit, pour l’évêque Tornabuoni, son ami, un très beau Christ mort soutenu par deux anges, lequel tableau appartient aujourd’hui aux héritiers de Monsignor della Casa[1]. Il donna aussi à Baviera[2] les dessins de toutes les divinités païennes qui furent gravées par Jacopo Caraglio, et parmi lesquelles on remarque Saturne se changeant en cheval, et Pluton enlevant Proserpine. Il exécuta ensuite une ébauche de la Décollation de saint Jean-Baptiste, qui est aujourd’hui dans une petite église de la place Salviati, à Rome.

Sur ces entrefaites, arriva le sac de Rome. Le pauvre Rosso fut fait prisonnier par les Allemands, qui le traitèrent avec barbarie ; ils le dépouillèrent depuis les pieds jusqu’à la tête, le forcèrent de porter des fardeaux et de déménager presque toute la boutique d’un charcutier. Il parvint enfin à s’enfuira Pérouse, où il fut généreusement hébergé par un peintre nommé Domenico de Paris[3], qui lui fournit de quoi se vêtir ; en retour, le Rosso lui donna le carton d’un tableau des Mages, que l’on voit chez lui aujourd’hui, et que l’on regarde comme une très belle chose. Mais il ne resta pas longtemps à Pérouse ; ayant appris qu’au Borgo était arrivé l’évêque Tornabuoni[4], également échappé au sac de Rome, il le rejoignit, car il était son grand ami. Il y avait à ce moment-là au Borgo Raffaello dal Colle, peintre et élève de Jules Romain, que la confrérie des Battuti avait chargé d’exécuter, à peu de frais, un tableau dans l’église de Santa Croce[5]. Cet artiste eut la générosité d’abandonner son travail au Rosso, afin

  1. Tableau perdu.
  2. Voir la vie de Raphaël.
  3. Domenico di Paris Alfani.
  4. Nommé a cet évêché en 1524 ; mort en 1539.
  5. Lire Santa Chiara ; le tableau est perdu ; il en reste une copie au Dôme.