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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/214

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portraits qu’il exécuta pour divers gentilshommes. Je n’en dirai rien, parce que je veux me borner à quelques tableaux et à un portrait que je regarde comme divin et merveilleux. L’une de ces œuvres[1] est à Sant’Antonio de Venise, non loin de Castello, et une autre, représentant l’Adoration des Mages[2], est sur le maître-autel da Sant’ Elena, près du Lido, où les moines de Monte Oliveto ont leur monastère. Elle renferme plusieurs têtes vraiment dignes d’éloges, comme sont également les draperies qui recouvrent les figures et qui sont exécutées avec de beaux plis. Le Palma fit encore, dans l’église de Santa Maria Formosa, sur l’autel des bombardiers, une sainte Barbe[3], grande comme nature, et, sur les côtés, deux figures plus petites, à savoir : un saint Sébastien et un saint Antoine. La sainte Barbe est une des meilleures figures que ce peintre ait faites.

À San Moisè, près de la place Saint-Marc, il fit un tableau représentant la Vierge dans les airs et saint Jean à ses pieds[4]. Dans la salle où se rassemblent les membres de la Scuola di San Marco, sur la place de San Giovanni e Paolo, en concurrence de tableaux qu’y avaient exécutés Gian Bellini, Giovanni Mansueti et d’autres peintres, il laissa un très beau tableau représentant la Translation du corps de saint Marc à Venise[5]. On y voit figurée une horrible tempête et quelques barques battues des vents et ayant également à lutter contre un groupe de démons qui soufflent avec rage contre elles, tandis que les matelots, à force de rames, cherchent à fendre les vagues qui menacent de les engloutir.

Mais de tous ses ouvrages, si nombreux et si estimés qu’ils soient, le meilleur et le plus étonnant est, sans contredit, son propre portrait, qu’il fit à l’aide d’un miroir, et où il se représenta la tête couverte d’une longue chevelure et le corps entouré de fourrures[6]. On ne saurait imaginer rien de plus beau, et chacun peut s’en rendre compte, puisqu’on l’expose tous les ans au public, le jour de l’Ascension. Jusqu’à présent, aucun peintre vénitien n’est allé aussi loin ; entre autres choses, on y voit un mouvement des yeux rendu de telle manière que ni Léonard de Vinci ni Michel-Ange Buonarroti n’auraient fait autrement. Si le sort eût voulu que le Palma mourût après cette

  1. Le Mariage de la Vierge, tableau perdu ; payé 160 ducats en 1520.
  2. Au Musée de Brera, à Milan. 1525. — L’église Sant’Elena n’existe plus.
  3. En place. On croit que c’est le portrait de sa fille Violante
  4. Tableau perdu.
  5. À l’Académie de Venise, attribué aussi à Paris Bordonne.
  6. Au Musée de Munich ; attribué aussi à Giorgione.