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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/33

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Pietro. Elevé entre la misère et la souffrance, il fut donné par son père comme apprenti à un peintre de Pérouse, qui n’était pas très habile, mais qui avait en grande vénération l’art et les hommes qui y excellaient. Il ne cessait de répéter à Pietro de quel profit et de quel honneur est la peinture pour celui qui l’exerce avec distinction, et, en lui faisant le récit des récompenses gagnées par les anciens et les modernes, il l’engageait à étudier cet art. Il enflamma ainsi son esprit de manière que Pietro eut l’idée de devenir, si la fortune voulait l’aider, un de ces hommes éminents. S’il rencontrait quelqu’un qu’il connaissait comme ayant couru le monde, il lui demandait dans quel pays se formaient le mieux les artistes ; et son maître qu’il interrogeait ainsi, lui fit toujours la même réponse, que c’était à Florence plus qu’autre part que les hommes devenaient parfaits dans tous les arts et particulièrement dans la peinture. Pietro se rendit donc à Florence et étudia sous la discipline d’Andrea Verrocchio. Ses premières figures furent hors la Porta al Prato, au couvent des religieuses de San Martino, actuellement détruit par la guerre. Aux Camaldules, il fit sur un mur un saint Jérôme qui fut très estimé des Florentins[1]. Il acquit ainsi en peu d’années un tel crédit que ses ouvrages se répandirent non seulement à Florence et en Italie, mais encore en France, en Espagne et dans les autres pays étrangers. Aussi les marchands commencèrent-ils à en tenir compte et à en envoyer hors du pays, pour leur plus grand profit. Pour les religieuses de Santa Chiara, il peignit, sur un tableau, un Christ mort dont le coloris était si agréable et si nouveau qu’il donna à croire aux artistes que Pietro ne tarderait pas a devenir excellent. On voit, dans ce tableau, quelques têtes de vieillards très belles et les Maries qui s’arrêtent de pleurer et contemplent avec un amour indicible le corps du Sauveur ; en outre, il fit un paysage qui fut trouvé très beau, parce que l’on n’avait pas encore vu la vraie manière de le traiter, comme on l’a vue depuis[2]. On raconte que Francesco del Pugliese voulut donner aux dites religieuses trois fois autant d’argent qu’elles en avaient payé à Pietro, et faire faire pour elles un tableau semblable, sortant de la propre main de son auteur ; et qu’elles ne voulurent pas y consentir, parce que Pietro leur dit qu’il ne croyait pas pouvoir le recommencer. Il y avait encore, hors la Porta a Pinti, dans le couvent des Frères jésuites, plusieurs œuvres de la main de Pietro, mais

  1. Peinture non retrouvée.
  2. Actuellement au Palais Pitti, signé : PETRUS. PERVSINVS. PINXIT. A. D. MCCCC. LXXXXV.