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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/340

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encore dans le même endroit. Cette toile[1] représente le Père Éternel, entouré d’anges, qui descend du ciel pour embrasser saint Roch ; dans le bas sont de nombreuses figures qui personnifient ou plutôt représentent les grandes Confréries de Venise, comme celles della Carità, de San Giovanni Evangelista, della Misericordia de San Marco et de San Teodoro. Mais comme il serait trop long d’énumérer toutes les peintures du Tintoretto, que ce que nous avons dit de lui suffise ; c’est vraiment un artiste valeureux et un peintre digne d’être loué.

Vers le même temps était à Venise un peintre nommé Bazzacco, affilié à la maison Grimani, et qui avait habité Rome plusieurs années ; grâce à de hautes protections, il fut chargé de décorer le plafond de la salle des Dix. Comme il reconnut qu’il ne pourrait se tirer seul de ce travail, il s’associa Paolo Veronese et Battista Zelotti, partageant entre eux trois neuf peintures à l’huile à faire dans cet endroit, à savoir : quatre de forme oblongue, quatre ovales dans les coins, et une neuvième pour le centre, également de forme ovale, mais bien plus grande que toutes les autres. Cette dernière, avec trois tableaux, échut à Paolo Veronese, qui y figura Jupiter foudroyant les Vices ; Bazzacco prit pour lui deux autres ovales et un tableau, et en donna deux à faire à Battista. Dans l’un est représenté Neptune, dieu de la mer, et dans les autres, deux figures pour chacun, emblèmes de la grandeur et de l’état pacifique de Venise. Bien que les trois peintres eussent bien rempli les conditions demandées. Paolo Veronese se montra infiniment supérieur, ce qui fut cause qu’on lui donna à peindre le plafond de la salle voisine de celle des Dix[2]. Il y fit, à l’huile, avec l’aide de Battista Zelotti, un saint Marc soutenu dans les airs par des anges ; au-dessus, on voit Venise accompagnée de la Foi, de l’Espérance et de la Charité. Cette composition, malgré sa beauté, est loin d’égaler la première. Paolo peignit ensuite seul, dans l’église dell’Umiltà[3], un grand ovale du plafond représentant l’Assomption de la Vierge, avec d’autres figures ; c’est une peinture éclatante, belle et bien comprise.

Parmi les artistes vénitiens, Andrea Schiavone[4] doit aussi être regardé comme un bon peintre ; je dis bon, parce qu’il a fait par hasard quelques bons ouvrages, et parce qu’il a toujours imité de son mieux la manière des bons maîtres. La plupart de ses tableaux étant dispersés chez les gentilshommes, je ne parlerai que de ceux qui sont

  1. Dans la même salle que la Crucifixion.
  2. Salle de la Boussole.
  3. Église détruite ; l’Assomption est à l’Académie.
  4. Dit Medola 1552-1612.