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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/388

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somptueuse opinion des hommes plus éloignés de la vérité que les ténèbres ne sont distantes de la lumière, le Maître des deux, dis-je, se décida à envoyer sur la terre un génie qui fût universel dans tous les arts et dans tous les métiers, et qui montrât par lui seul quelle chose est la perfection de l’art du dessin, tant pour esquisser, faire les contours, les ombres et les lumières, donner du relief aux choses de la peinture, introduire un jugement droit dans les procédés de la sculpture, enfin, en architecture, rendre les habitations commodes et sûres, saines, agréables, bien proportionnées et riches dans les ornements variés. Il voulut en outre douer ce génie de la vraie philosophie morale, en l’agrémentant de la douce poésie, en sorte que le monde le considérât et l’admirât comme son unique miroir, dans la vie, dans les œuvres produites, dans la sainteté des mœurs, en un mot dans toutes les actions humaines de manière enfin que cet homme fût regardé par nous comme une créature divine plutôt que terrestre. Et comme Dieu vit que dans la pratique de ces arts, c’est-à-dire en peinture, en sculpture et en architecture, les génies toscans ont toujours été supérieurs à n’importe quel autre d’Italie comme étant plus accoutumés aux fatigues et aux études de tous ces arts, il voulut doter de sa dernière création la ville de Florence, la plus digne entre toutes les villes, pour faire parvenir les Florentins au plus haut point de perfection, par le moyen d’un de leurs concitoyens. L’an 1474 donc[1], naquit sous une heureuse étoile, dans le Casentin, un fils qu’une épouse noble et vertueuse[2] donna à Lodovico di Lionardo Buonarroti Simoni, que l’on prétend être un descendant de la noble et si antique famille des comtes de Canossa. Lodovico[3] était cette année-là podestat du château de Chiusi e Caprese, voisin du rocher de la Vernia, où saint François reçut les stigmates, dans le diocèse d’Arezzo. Ce fils lui naquit le 6 mars, qui était un dimanche, vers les huit heures de la nuit, et il le nomma Michel-Ange, parce que, n’y pensant pas autrement, mais par une inspiration d’en haut, il le regarda plutôt comme une créature céleste supérieure à la vie humaine, et, comme on le vit ensuite par son horoscope [Mercure et Vénus s’étant présentés avec un aspect bénin dans la deuxième maison de Jupiter], il montrait que cet enfant devait plus tard produire des œuvres admirables et étonnantes, grâce à sa main et à son génie. Ayant terminé ses fonctions de podestat, Lodovico retourna à Florence, et

  1. En style ordinaire, 1475.
  2. Francesca di Neri di Miniato del Sera.
  3. Né en 1444, mort en 1534.