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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/40

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soin, à savoir : l’Adoration des Mages, le baptême et la Résurrection du Christ[1]. De tous les tableaux à l’huile de Pietro qui sont à Pérouse, celui-là est sans contredit le meilleur. Il commença une vaste fresque à Castello della Pieve[2], mais il ne l’acheva pas.

Il avait l’habitude, en homme qui ne se fiait à personne, de porter tout son argent sur lui, quand il allait et revenait de Castello à Pérouse. Un jour, il fut attendu et assailli par des voleurs qui le dépouillèrent complètement, mais, sur ses supplications, lui laissèrent la vie par la grâce de Dieu. Depuis, par l’entremise de ses amis, qui étaient nombreux, il récupéra une grande partie de l’argent qui lui avait été volé ; toutefois la douleur que lui causa cette aventure le mit à deux doigts de la mort.

Pietro fut une personne de très peu de religion : on ne put jamais lui faire admettre l’immortalité de l’âme ; aussi, avec des paroles appropriées à son cerveau obstiné, il refusa toujours de suivre la bonne voie. Toute son espérance reposait sur les biens de la fortune, et pour de l’argent il aurait été capable de tout. Il amassa de grandes richesses, bâtit et acheta des maisons à Florence, et acquit une foule de biens stables à Pérouse et à Castello della Pieve. Il prit pour femme une jeune fille très belle[3], dont il eut plusieurs enfants ; il se plut tellement à la voir revêtue de parures agréables chez lui et au dehors, que souvent, dit-on, il la parait de ses propres mains. Finalement, étant parvenu à l’âge de soixante-dix-huit ans, il mourut à Castello della Pieve, où il fut honorablement enseveli l’an 1524[4].

Il forma dans sa manière bon nombre de maîtres et, entre autres, le miraculeux Raphaël d’Urbin, qui le surpassa de beaucoup, après avoir travaillé pendant plusieurs années avec lui, et en compagnie de son père, Giovanni de’ Santi. Parmi ses autres disciples, il y eut encore Pinturicchio, Rocco Zoppo florentin, le Montevarchi, le Bacchiacca qui fut très habile dans les grotesques, Giovanni Spagna, le meilleur coloriste de tous les élèves de Pietro, enfin Benedetto Caporali ou Bitti, qui exécuta une foule de peintures à Pérouse, sa patrie. Mais aucun de ces élèves n’égala la perfection de Pietro, ni le charme de son coloris ; sa manière plut tellement en son temps, qu’une multitude d’Allemands,

  1. Tous trois au musée de Rouen.
  2. Une Adoration des Mages, dans l’oratoire de la compagnie de la Vierge, dite de’ Blanchi. Daté MDIIII.
  3. Chiara di Luca Fancelli, qu’il épousa le Ier septembre 1493 et qui lui donna sept enfants.
  4. Mort de la peste au château de Fontignano, entre Castel della Pieve et Pérouse, en 1523, entre les mois de février et de mars.