Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/466

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les tourneront en ridicule, je ne sais leur répondre qu’une chose, c’est que j’estime avoir toujours décerné mes louanges, non pas sans raison établie, mais, comme on dit, en tenant compte des lieux, des temps et des autres circonstances analogues. En vérité, si célèbre que Giotto ait été de son temps, pour le prendre comme exemple, je ne sais ce qu’on aurait dit de lui et d’autres maîtres anciens, s’ils avaient vécu au temps de Buonarroti ; en outre, les hommes de ce siècle qui a atteint le comble de la perfection ne seraient pas au point où ils en sont, s’ils n’avaient pas eu de pareils prédécesseurs. En somme, que l’on soit persuadé que, si j’ai loué ou blâmé, ce n’était pas par mauvais sentiment, mais seulement pour dire la vérité, ou ce que je croyais être tel. Mais on ne peut pas toujours avoir en main la balance de l’orfèvre, et celui qui a éprouvé ce que c’est qu’écrire, particulièrement quand on a à faire des parallèles, qui sont ennuyeux de leur nature, ou à donner des appréciations, aura de l’indulgence pour moi. Moi seul, d’ailleurs, sais que de fatigues, que d’ennuis et que d’argent il m’en a coûté pendant tant d’années, pour achever cet ouvrage. J’y ai rencontré tant et de si grandes difficultés, que plusieurs fois je l’aurais abandonné par découragement, si quantité de vrais et bons amis, auxquels je resterai toujours extrêmement reconnaissant, n’étaient venus à mon secours, et n’avaient relevé mon courage. En m’exhortant à continuer, ils m’apportaient tout l’appui amical dont ils étaient capables, avec force notices avis et renseignements de toute sorte, qui me laissaient très perplexe et hésitant, quand je les avais vus. Vraiment ces aides ont été telles qu’elles m’ont permis exactement de découvrir la vérité, et de publier cet ouvrage, afin de remettre en lumière, pour la plus grande utilité de ceux qui viendront après nous, la mémoire, presque entièrement éteinte, de tant de génies rares et précieux.

Dans ce travail, comme je l’ai déjà dit, ne m’ont pas été d’un mince secours les écrits de Lorenzo Ghiberti, de Domenico Ghirlandajo et de Raphaël d’Urbin ; si je leur ai prêté foi, j’ai néanmoins toujours voulu comparer leur dire avec la vue des œuvres, car on sait bien que la longue pratique apprend aux peintres désireux de savoir à ne pas regarder les diverses manières des artistes autrement que ne fait un archiviste savant et expérimenté des écrits divers et variés de ses semblables, ou que ne fait chacun des caractères de ses amis les plus familiers et des plus proches parents.

À présent, si j’ai atteint le but que j’ai souhaité, à savoir d’instruire à la fois et d’amuser, je me déclarerai entièrement satisfait ; et s’il en est autrement, je serai tout de même content, ou tout au moins ma