Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tard l’Office du plomb, à Rome, et Titien de Cadore, qui non seulement égala, mais surpassa son maître[1].





Antonio da CORREGGIO
Peintre, né en 1494 (?), mort en 1534

Je ne veux pas sortir du pays que la nature, cette grande mère, pour ne pas être accusé de partialité, dota d’hommes aussi rares que ceux dont elle avait orné la Toscane, pendant tant et tant d’années, et parmi lesquels Antonio da Correggio[2], peintre éminent, fut doué d’un excellent et beau génie. Il s’appliqua à la manière moderne si parfaitement qu’en peu d’années, bien doué par la nature et assoupli par l’art, il devint un rare et merveilleux artiste. Il était d’un caractère très timide, et, pour soutenir sa nombreuse famille, il exerçait son art aux dépens de sa santé et au prix de fatigues continuelles ; bien que poussé par une grande bonté dame, il trouvait néanmoins très lourd le devoir de supporter patiemment les maux qui affectent généralement les humains. Il était mélancolique dans le travail et se rendait esclave de son art, recherchant la difficulté quelle qu’elle fût, comme le prouvent une multitude de figures qu’il peignit à fresque et termina avec soin, dans la grande tribune de la cathédrale de Parme[3]; dans cette peinture, les raccourcis rendant la perspective de bas en haut sont vraiment extraordinaires. Il fut le premier qui, en Lombardie, commença à peindre dans le style moderne ; aussi voit-on que, si son génie avait pu se développer à Rome, il aurait produit des merveilles et aurait donné du souci à quantité d’hommes qui furent estimés grands à son époque. En effet, ses œuvres furent telles, sans qu’il ait pu voir les antiques et les belles productions modernes, qu’on en peut conclure nécessairement que, s’il les avait vus, il aurait infiniment perfectionné sa peinture, et que, de progrès en progrès, il aurait atteint les dernières limites de l’art. Il est certain que personne ne pratiqua mieux que lui le coloris, et ne peignit avec plus de grâce et de relief, tant il sut mettre de souplesse dans ses chairs et de grâce dans ses travaux. Il fit encore, pour la même cathédrale, deux grands tableaux

  1. Titien fut le condisciple de Giorgione à l’école de Giovanni Bellini.
  2. Né à Correggio, fils de Pellegrino Allegri et de Bernardina Piazzoli. Son père était marchand et possédait quelque bien.
  3. Ces fresques, peintes entre 1525 et 1535, représentent l’Assomption de la Vierge ; payées 1.000 ducats d’or. En mauvais état.