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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/88

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enfin il exécuta cette œuvre avec un soin extrême, autant qu’on peut unir et fondre les couleurs.

Il fit encore un tableau renfermant les figures nues de Vénus et de Mars qui dort sur un gazon émaillé de fleurs[1]; tout autour d’eux, une foule de petits Amours transportent çà et là son casque, ses brassards et ses autres armes. On y voit, en outre un bosquet de myrte, un Cupidon ayant peur d’un lapin, les colombes et les autres attributs de Vénus.

Le directeur de l’hôpital degli Innocenti, son grand ami, désirant avoir un tableau à l’entrée de son église, et à gauche, pour la chapelle del Pugliese, en chargea Piero qui l’acheva tout à son aise[2], mais après avoir fait désespérer le directeur, à qui il ne permit de voir son œuvre que terminée. Ce procédé lui paraissait étrange, tant à cause de leur amitié qu’à cause de l’argent qu’il fallait débourser chaque jour ; aussi, au dernier paiement, il ne voulut pas s’exécuter sans voir la peinture. Piero l’ayant menacé de détruire tout ce qu’il avait fait, il céda et paya. Il y a de bonnes choses dans ce tableau.

La Vierge qu’il fit ensuite, pour San Pier Gattolini, est actuellement à San Friano, l’autre église ayant été détruite[3]. Elle est aussi belle que le tableau de la Conception qu’on voit dans le transept de San Francesco, à Fiesole.

Pour Giovan Vespucci, qui demeurait en face de San Michele della Via de’ Servi, aujourd’hui de Pier Salviati, il peignit quelques bacchanales tout autour d’une chambre[4], et y représenta des faunes, des satyres, des sylvains si étranges, avec des enfants et des bacchantes, que c’est une merveille de voir la diversité des peaux, des vêtements et la variété des têtes de boucs, tous objets rendus avec une grâce et une vérité extrêmes. Dans une de ces peintures, il y a un Silène assis sur un âne, et entouré d’enfants dont les uns le soutiennent et les autres lui donnent à boire cette peinture est pleine d’une joie vive, rendue avec un grand talent.

Dans sa vieillesse, il devint paralytique et ses manies poussées aux dernières limites furent vraiment pitoyables. Il voulait encore peindre et, ne pouvant affermir sa main, il entrait en colère, laissant tomber l’appui et les pinceaux ; cela faisait peine à voir. Un jour de l’an 1521, il fut trouvé mort au pied d’un escalier, et fut enterré à San Pier

  1. Au Musée de Berlin.
  2. C’est une Vierge sur un trône, actuellement dans la sacristie de l’Hôpital.
  3. Pendant le siège de 1529 ; la Vierge est perdue, comme le tableau suivant.
  4. Peintures perdues.