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Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/90

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nous fit marcher dans leurs traces, mais encore enrichit l’art d’une beauté nouvelle, en lui donnant cette grâce et cette puissance que nous admirons aujourd’hui.

Il naquit à Castello Durante, dans l’État d’Urbin, d’une pauvre mais honorable famille, et, dans son enfance, outre la lecture et l’écriture, il s’appliqua beaucoup à l’arithmétique. Son père, qui avait besoin de lui voir un métier lucratif, et remarquant son goût pour le dessin, le dirigea, encore tout jeune, vers la peinture, où il étudia beaucoup les œuvres de Fra Bartolommeo, autrement dit Fra Carnovale da Urbino, qui peignit le tableau de Santa Maria della Bella[1], à Urbin. Mais, comme il se plut toujours à l’architecture et à la perspective, il partit de Castello Durante, et étant allé en Lombardie, il se rendait de ville en ville, produisant le plus qu’il pouvait, mais des œuvres sans importance et de peu de profit, car il était encore sans renom ni crédit. Désireux de voir quelque monument remarquable, il alla à Milan[2] pour voir le Dome. Après l’avoir examiné et fait la connaissance de ceux qui le construisaient, son esprit s’enflamma et il décida de se consacrer tout entier à l’architecture. Il se rendit donc de Milan à Rome[3], avant l’année sainte 1500. Bien accueilli par des compatriotes et des amis lombards, on lui donna à peindre, à Saint-Jean-de-Latran, au dessus de la porte Sainte qui s’ouvre pour le jubilé, une fresque des armes du pape Alexandre VI, avec des anges et des figures qui les soutiennent[4]. Bramante avait rapporté de Lombardie et gagné à Rome quelque argent, qu’il dépensait avec la plus stricte économie, voulant vivre pour lui, et pouvoir tout à son aise, sans avoir à travailler pour autrui, mesurer toutes les constructions antiques de Rome. Il s’en allait solitaire et pensif, et en peu de temps il eut mesuré tous les édifices de la ville et de la campagne romaine ; il visita même Naples et tous les lieux où il savait trouver d’anciens monuments. Il mesura les ruines de Tivoli et de la villa Adriana, ce qui lui servit beaucoup, comme nous le dirons en son lieu. Cette puissance de travail attira l’attention du cardinal de Naples[5], qui accorda sa protection à Bramante, et le chargea de rebâtir en travertin le cloître du couvent della Pace[6]. Pour plaire à

  1. Peinture perdue.
  2. Vers 1472 ; il y construisit, entre autres monuments, Santa Maria delle Grazie, San Satiro, une partie de l’Hôpital, etc.
  3. En 1499, après la chute de Ludovic le More.
  4. N’existe plus.
  5. Oliviero Caraffa.
  6. En 1504.