Page:Les voyages au théâtre par A. D'Ennery et Jules Verne.djvu/360

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l’ennemi est là et je te tends cette arme ! Est-ce qu’après avoir renié ta mère, tu vas aussi renier ton pays ! Michel, tu peux me déchirer l’âme, tu peux me briser le cœur, mais la patrie, c’est la première mère, plus sainte et plus sainte mille fois !… Tu peux me tuer, moi, Michel, mais pour elle tu dois mourir !

STROGOFF, à part.

Oui !… c’est un devoir sacré… oui… mais je ne dois ni m’arrêter, ni combattre… Je n’ai pas une heure, pas une minute à perdre ! (À Marfa.) Je ne vous connais pas !… et je pars !

MARFA.

Ah ! malheureux, qui es devenu à la fois fils dénaturé et traître à la patrie !

(Forte détonation au dehors, un obus tombe près de Marfa, mèche fumante.)

STROGOFF, s’élançant.

Prenez garde, Marfa !

MARFA.

Que cet obus me tue, puisque mon fils est un lâche !

STROGOFF.

Un lâche ! moi ! Vois si j’ai peur ! (Il prend l’obut et le jette dehors.) Adieu ! Nadia. (Il s’élance par le fond.)

MARFA.

Ah ! je le disais bien !… C’est mon fils !… c’est Michel Strogoff, le courrier du czar !

TOUS.

Le courrier du czar !

MARFA.

Quelque secrète mission l’entraîne sans doute loin de moi !… Nous combattrons sans lui ! Barricadons cette porte, et défendons-nous !…

(Coups de fusil qui éclatent au dehors.)

BLOUNT, portant la main à sa jambe.

Aoh ! blessé !…

JOLLIVET, lui bandant sa blessure malgré lui.

Ah ! pauvre Blount.

MARFA.

Courage ! mes amis !… Que chacun de nous sache mourir bravement, non plus pour le salut, mais pour l’honneur de la Russie !