Page:Les voyages au théâtre par A. D'Ennery et Jules Verne.djvu/398

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MARFA.

Mon enfant, mon enfant !… Quelle joie, quel bonheur, quelle ivresse !… Ah !… je comprends tes paroles maintenant : Dieu garde aux affligés d’ineffables consolations…

NADIA.

Mais comment se fait-il ?

MARFA.

Et d’où vient ce miracle ?…

STROGOFF.

Quand je croyais te regarder pour la dernière fois, ma mère, mes yeux se sont inondés de tant de pleurs, que le fer rougi n’a pu que les sécher sans brûler mon regard !… Et comme il me fallait, pour sauver notre Sibérie, traverser les lignes tartares : « Je suis aveugle, disais-je. Le Koran me protège !… Je suis aveugle !… » et je passais !

NADIA.

Mais pourquoi ne m’avoir pas dit… à moi ?…

STROGOFF.

Parce qu’un instant d’imprudence ou d’oubli aurait pu te perdre avec moi, Nadia !…

MARFA.

Silence !… Ils reviennent.


Scène VI

Les Mêmes, LE CAPITAINE, soldats.
(Le capitaine, suivi des soldats, arrive par le fond. On relève le cadavre du sergent.)
LE CAPITAINE.

Qui a tué cet homme ?

UN SOLDAT, montrant Strogoff.

Il n’y a ici que ce mendiant !

L’OFFICIER.

Qu’on s’empare de lui ! Nous l’emmènerons au camp !

STROGOFF, à part.

M’emmener !… Et ma mission ! tout est perdu !…

NADIA.

Ne savez-vous pas que mon frère est aveugle ?…