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les bastonnais

— Alors, il n’y a pas de temps à perdre. Allons-y tout de suite.

Le deux hommes se mirent en marche et la foule leur ouvrit immédiatement un chemin, tandis qu’un murmure étouffé les accueillait au passage.

Une frêle jeune fille portant un voile bleu d’azur étroitement serré sur la figure s’appuyait sur le bras du plus âgé.

Arrivés au coin de la rue de la Fabrique, qui débouche sur la place à l’angle nord-ouest de la cathédrale, ces deux derniers personnages se séparèrent.

— Que signifie cela, père ? demanda la jeune fille d’une voix inquiète.

— Rien, mon enfant. Rentre à la maison tout de suite, et attend mon retour. Je te rejoindrai dans une heure.

La jeune fille remonta la rue étroite et les deux hommes se dirigèrent en silence vers le château Saint-Louis.

À la suite de cet incident, la place se vida graduellement jusqu’à ce qu’il n’y restât plus que quelques oisifs.

V
les dépêches.

Un peu avant midi, Roderick Hardinge descendit de ses quartiers dans la cour des casernes, botté et éperonné. Un cheval pur-sang, de robe gris-fer, dont tous les membres dénotaient la force et la rapidité, l’attendait sellé et bridé. Le soldat qui le tenait par la bride se trouva être celui dont Hardinge avait monté la garde la nuit précédente.

Ah ! c’est vous, Charles ! dit le jeune officier tout en serrant la sangle de deux crans.

— Oui, mon lieutenant, répondit le soldat, avec un sourire qui lui fit montrer les dents.

— Et, ça va bien, ce matin ?

— Oui, mon lieutenant, merci.

Hardinge sauta en selle d’un seul bond ; puis rassemblant les rênes dans sa main gauche, il continua :

— Vous n’avez pas bavardé, Charles ?

— Oh ! non, Monsieur, je suis discret.

— C’est bien. Mais avez-vous tout vu ?

— J’ai vu les trois fusées, si c’est là ce que vous voulez dire, et je savais qu’elles étaient tirées pour vous. Mais pourquoi étaient elles tirées ? Je ne l’ai su que ce matin, quand j’ai entendu les rumeurs sur la place. Les gens sont pas mal effrayés ce matin, Monsieur.