Page:Lespérance - Les Bastonnais, 1896.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
les bastonnais

jusqu’à ce que j’en sois dépossédé par la force. Je ne crains pas la violence pour ma personne, mais devrais-je y être soumis, que je saurais la supporter. Souvenez-vous que vous et moi savons ce que c’est que la guerre. Tous deux nous avons passé par les terribles années de la conquête. Pour ce qui est des archives, vous veillerez à ce qu’elles soient convenablement gardées, mais elles ne doivent pas être dérangées.

Les ennemis ne sont pas des barbares. Au contraire, leur politique est d’être aussi conciliants que possible. D’ailleurs, ils ne feront que passer par Trois-Rivières. »

— Ils feront plus que cela, Monsieur. Comme ils ont l’intention de marcher sur Québec et de passer très probablement l’hiver autour de ses murs, il leur faudra, de toute nécessité, au point de vue militaire, occuper toutes les petites villes et les villages sur leur route, entre Québec et Montréal, autant pour les besoins de leur commissariat que pour en faire des stations de recrutement.

— Des stations de recrutement ! Ne prononcez pas ces paroles odieuses.

— Ce sont des termes odieux, en effet, Monsieur ; mais ils expriment une situation qu’il nous faut bien envisager. À moins que nous prenions bien des précautions, cette guerre sera considérablement aggravée par le fait que beaucoup de nos compatriotes tourneront leurs armes contre nous.

Cette conversation que nous rapportons brièvement afin de donner au lecteur un aperçu de la situation, sans lui imposer la sécheresse de détails purement historiques, fut interrompue par l’arrivée d’un messager qui remit une lettre au gouverneur.

«  Ceci vient de Sorel, s’écria le fonctionnaire. Cela arrive juste à temps pour jeter de la lumière sur nos affaires et cela permettra au lieutenant Hardinge, qui retourne demain, de porter les dernières nouvelles à Québec. »

Après avoir dit ces paroles, il lut la dépêche.

XIII
une mission bien remplie.

À dix heures, le matin du 8 novembre, le lendemain de son arrivée, Roderick Hardinge se présenta à la résidence du commandant de Trois-Rivières.

C’était l’heure fixée entre eux pour une conférence ; mais cela n’empêcha pas le commandant de manifester quelque surprise à la vue du jeune officier.

— Vous n’êtes pas déjà prêt à partir pour Québec, assurément ? demanda-t-il.

— S’il est possible, commandant, je tiendrais beaucoup à partir du plus tôt. Mon cheval n’est pas si frais qu’hier et il mettra plus de temps à franchir la distance.

D’ailleurs, je crois que ma présence sera requise à Québec avant minuit.