Page:Lesueur - Nietzscheenne.djvu/33

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seconde impression, elle ne lui plut pas davantage, mais il entendit son propre cri intérieur :

« Mâtin ! Tout de même… elle est belle ! »

— « Eh bien, » disait Nauders, « voilà, mademoiselle Jocelyne, l’homme qui, dans l’industrie automobile, emploie le plus d’ouvriers. Il vous renseignera sur ces gaillards-là mieux que personne. Et vous pourrez l’intéresser à notre Société de la Cité fraternelle. »

Clérieux éprouva un agacement à découvrir que cette étrange et captivante fille désirait le connaître simplement pour perfectionner son entreprise des logements de prolétaires. Qu’attendait-il d’autre, pourtant ? Il redoutait l’aventurière. N’aurait-il pas dû lui rendre justice, et se prêter joyeusement à ses honnêtes desseins ?

Au lieu de cela, un peu rageur, il détourna la conversation. Lui, qui n’avait pas écouté un seul mot de la pièce, tenta d’en parler.

— « Il m’a semblé, mesdames, que vous ne goûtiez guère la façon dont ce monsieur en kneekerbockers comprend l’amour.

— Un mufle odieux », prononça Huguette.

— « C’est l’homme de l’avenir », dit Nauders avec une intention taquine.

— « Pourquoi cela ? » demanda Mlle Monestier.

— « L’auteur le donne à entendre. N’est-ce pas sur ce modèle que votre fameux Nietzsche va façonner les générations, par l’individualisme à outrance ?

— Ah ! voilà l’ineptie monstrueuse ! » s’écria Jocelyne.

Les trois autres la regardèrent. Elle s’était assise à côté de son amie sur le divan de l’arrière-loge. Et, le buste dressé, ses grands yeux encore élargis, elle se soulevait, galvanisée par une impulsion secrète dépassant la portée des superficiels propos.

— « Eh ! ma Joce, » fit Huguette, « on dirait que tu vas t’emballer.

— Tant mieux ! » sourit Nauders. « Je saurai ce que la petite amie a contre moi depuis le commencement de la soirée.

— Je n’ai rien contre vous, monsieur Nauders. Vous faites des affaires — de grandes affaires — toute la