Page:Lesueur - Nietzscheenne.djvu/77

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— « Le prince de Foix… Oui, le prince Bernard de Foix… Ce n’est pas de la noblesse d’empire, ou du pape, cette noblesse-là. Et l’homme à la mode, ma chère ! Je connais des duchesses qui vont en crever !

— Je croyais son titre contestable », fit paisiblement Jocelyne. « Le comté de Foix, devenu principauté à un moment, c’est vrai, se fondit avec la Navarre, faute d’héritiers, et revint à la France à l’avènement de Henri IV.

— Un bon point à l’élève Monestier ! » cria Huguette. « Peste, ma belle, quelle érudition ! Mais tu oublies le second fils d’Archambaud, captal de Buch, cet Archambaud qui devint prince en épousant la veuve de Mathieu de Foix. Le titre fut transmis au cadet, quand la mort de la branche aînée fit passer le fief à la couronne. Notre Bernard remonte au delà du onzième siècle, ma chère… Et il sera, ce soir, aux yeux de tout Paris, dans la loge de la petite Huguette Nauders, dont le père a été caissier chez le tien.

— Et tout Paris se demandera pourquoi il y est », prononça Mlle Monestier. « Et la réponse — car cette sorte de question ne reste jamais sans réponse — ne sera peut-être pas plus flatteuse pour toi que pour lui. »

Huguette devint pourpre, Jocelyne vit la couleur ardente monter du cou mince, qui se dégageait hors des dentelles, jusqu’au front sur lequel retombaient en ondes lourdes les cheveux inégalement décolorés. La coiffure défaite laissait voir, entre les ondulations fauves, la profondeur noire et drue, que les eaux miraculeuses n’atteignaient pas.

— « Que veux-tu dire ?… » (La vicomtesse affectait de la hauteur calme.) « Qu’on me le donnera pour amant ? Comme je ne suis pas contrefaite et que je sais m’habiller, on ne manquera pas de m’en attribuer quelques-uns, tôt ou tard. Autant celui-là qu’un autre. Je ferai ainsi plus de jalouses.

— Pourquoi provoquer si ouvertement la médisance, ma petite Huguette ?

— La calomnie, tu veux dire ?

— Soit.