Page:Lesueur - Nietzscheenne.djvu/81

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de ma petite fortune une si grosse somme, sans même lui en dire l’usage, ce serait la brouille. Il me rendait mes comptes.

— Mais s’il te la prêtait ?

— Je n’accepterais pas.

— Bien. Adieu, Jocelyne.

— Huguette, que vas-tu faire ?

— Je porterai mes perles au clou.

— Tu es folle !

— Pas le moins du monde.

— Ton mari te demandera où elles sont.

— J’en achèterai des fausses.

— Toi, la fille de Nauders ! Tu compromettras le crédit de ton père.

— Quelle blague ! Le directeur du Mont-de-Piété est un ami. Il me gardera le secret pour huit jours. Ah ! il en a vu bien d’autres ! Il m’en a conté, de ces histoires !…

— Huguette, écoute… Je ferai l’impossible… Je tâcherai de trouver cette somme, mais à une condition.

— Laquelle ?

— Tu vas me jurer qu’elle est bien pour toi, pour des dépenses personnelles.

— Par exemple ! Mais… bien sûr ! Qu’est-ce qui te passe par la tête ! »

Mme de Gessenay pouvait jurer maintenant. Trop tard ! Son amie avait vu, encore une fois, le flot pourpre, de la gorge au front, le battement des cils, le tressaillement de la bouche. Elle avait entendu l’aspiration sifflante de l’haleine coupée. Une colère indignée gonfla le cœur de Jocelyne en entendant avec quel aplomb Huguette protestait par tous les serments. Si encore la folle avait eu un abandon de sincérité, un semblant d’aveu, un élan de confiance. Mais l’aider à Dieu sait quelle périlleuse intrigue, en étant sa dupe !… Non, non… Comme une lame d’acier qui se détend, toute la droite intransigeance de Jocelyne se redressa, rigide.

— « Décidément, Huguette, ne compte pas sur moi. Je craindrais trop de te rendre un mauvais service en t’encourageant à de telles prodigalités. D’ailleurs, je suis tranquille. Les commerçants de Paris sont bien