Page:Lettres chinoises, indiennes et tartares à Monsieur Paw, 1776.djvu/273

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CHANSON
SUR LA MORT DE L’ILLUSTRE ÉPOUSE
D’ASAN-AGA.


Quelle blancheur brille dans ces forêts vertes ? Sont ce des neiges, ou des cygnes ? Les neiges ſeroient fondues aujourd’hui, & les cygnes ſe ſeroient envolés. Ce ne ſont ni des neiges ni des cygnes, mais les tentes du guerrier Aſan-Aga. Il y demeure bleſſé & ſe plaignant amerement. Sa mère & ſa sœur ſont allées le visiter : ſon épouſe ſeroit venue auſſi, mais la pudeur la retient.

Quand la douleur de ſes bleſſures s’appaiſa, il manda à sa femme fidelle : « Ne m’attends pas ni dans ma maiſon blanche, ni dans ma cour, ni parmi mes parens. » En recevant ces dures paroles cette malheureuſe reſte triſte & affligée. Dans la maiſon de ſon époux, elle entend les pas des chevaux, & déſespérée elle court sur une tour pour finir ſes jours en ſe jettant par les fenêtres. Ses deux filles épouvantées, ſuivent ſes pas incertains, en lui criant : Ah, chere mere, ah ! ne fuis pas : ces chevaux, ne ſont pas ceux de notre pere Aſan ; c’est ton frere, le Beg Pintorovich qui vient te voir.