Page:Lettres d’un habitant des Landes, Frédéric Bastiat.djvu/68

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dix heures du matin ? Ne sauriez-vous sacrifier à votre santé quelques moments de conversation ? Mais vous savez que le sacrifice retomberait sur les autres, et c’est pour cela que vous ne voulez pas le faire. Vous voyez que je connais la vieille tactique qui est de gronder le premier afin de n’être pas grondé. Après tout, je vois bien que nous descendons tous de notre mère Ève. Votre fille, elle-même, qui a tant de raison, se laisse souvent prendre au piége de la musique. À propos de musique, on a bien tort de s’imaginer qu’un son s’éteint dans l’étroit espace d’un salon et d’une seconde ; une note, ou plutôt un cri de l’âme que j’ai entendu samedi, a fait avec moi deux cents lieues ; il vibre encore dans mon oreille, pour ne pas dire plus.

Pauvre chère enfant, je crois bien avoir deviné la pensée dont elle a empreint le triste chant de Pergolèse ; cette voix touchante, dont les derniers accents semblaient se perdre dans une larme, ne disait-elle pas adieu aux illusions du jeune âge, aux beaux rêves d’une félicité idéale ? Oui, il semblait que votre chère Louise se sentait amenée par les circonstances à cette limite fatale et