Page:Lettres d’un habitant des Landes, Frédéric Bastiat.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions. J’y ai retrouvé celle de Félix. Il est impossible de dire avec quelle joie nous avons repris nos entretiens interrompus, et ce qu’il y a d’attrait dans ce commerce de deux âmes sympathiques, de deux intelligences parallèles nées le même jour, jetées au même monde, nourries du même lait, et portant sur toutes chose un jugement identique ; religion, philosophie, politique, économie sociale, tout y passe sans que sur aucun sujet nous réussissions à voir poindre entre nous la moindre dissidence ; cette identité d’appréciation nous est une grande garantie de certitude, d’autant que, n’ayant jamais eu que très-peu de livres, ce sont bien nos opinions propres qui sont en contact, et non l’opinion d’un maître commun ; mais, malgré les douceurs de cette société, il y a ici un vide ; Félix et moi, nous nous touchons surtout par l’intelligence ; quelque chose manque au cœur : me voilà en pleine personnalité ; j’en ai honte et pour me punir je vous quitte jusqu’à demain.


Le 28. — Le courrier arrive, les mains vides ; car qu’est-ce que ce tas de lettres et de journaux ? Pourtant je reconnais l’écriture