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iii
PRÉFACE.

avait commencé par lire sans faiblesse dans son propre cœur. Elle saisit admirablement le fort et le faible d’un caractère, le mal et le remède d’une situation, parce qu’elle ne se laisse jamais surprendre ni séduire par aucun de ces sophismes à l’aide desquels nous cherchons trop souvent à nous faire illusion a nous-mêmes en même temps qu’à ceux qui nous entourent. L’étude du cœur humain n’était point pour Mme Swetchine une contemplation spéculative, quoiqu’elle eût certainement une vocation innée pour la psychologie et un attrait Irrésistible pour la métaphysique ; malt ce qui l’attire avant tout, ce qui la fixe, ce qui la conduit à creuser sans relâche dans les profondeurs de l’âme humaine, ce sont des réalités qui lui sont chères, qui vivent et palpitent sous sa main. Elle ne s’arrête point aux surfaces, aux apparences, aux généralités ; elle pénètre dans le vif des questions, elle soulève les voiles, elle scrute les moindres détails, parce qu’elle porte partout la sollicitude ardente d’une affection sincère, parce qu’une conscience toujours éveillée, une attention toujours soutenue secondent et inspirent sa rare sagacité. Jamais Mme Swetchine n’a songé & dogmatiser ou à élever un monument pour l’instruction de la postérité, mais elle prête l’oreille à tout gémissement, tend la main à toute souffrance. En constatant une à une chaque situation particulier la confidente émue s’élève souvent, sans s’en apercevoir, aux méditations les plus hautes, aux aperçus les plus fins, aux consolations les plus efficaces ; et c’est ainsi qu’au bout d’une longue vie, grâce à une analyse continuelle portée sur un si grand nombre de peines ou de joies vraiment ressenties, l’ensemble d’une si tendre investigation devient non-seulement le reflet de telle ou telle âme, mais l’image de l’âme humaine tout entière.

C’est précisément parce que Mme Swetchine n’était pas un directeur de profession, et que la confiance seule