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de l’esclave. Et de même qu’elle a essayé de glorifier l’esclave, elle a tenté aussi de diviniser la femme. Or Nietzsche est fort loin de tenir pour légitime le culte de « l’éternel féminin », de voir dans la femme une créature d’essence supérieure, aux instincts plus raffinés, au sens moral plus délicat et plus sûr, capable de guider l’humanité vers ses plus hautes destinées. C’est à l’homme qu’appartient selon lui, le premier rôle ; c’est l’homme qui doit être le maître et le maître redouté. À lui la force physique plus grande, et la raison supérieure, et le cœur plus généreux, et la volonté constante et énergique. La femme est « avisée » : elle possède, à un plus haut degré que l’homme, une certaine raison pratique qui lui permet d’apprécier les choses telles qu’elles se présentent et de discerner rapidement les moyens les plus sûrs pour atteindre un but donné. Mais sa nature est moins riche et moins profonde que celle de l’homme ; elle reste le plus souvent à la surface des choses ; elle est futile, parfois mesquine et pédante. « L’homme doit être élevé pour la guerre, enseigne Zarathustra, et la femme pour le délassement du guerrier : tout le reste est folie[1]. » La femme n’est pas une idole, elle n’est qu’un jouet fragile et précieux, mais dangereux aussi, ce qui pour une nature virile est un charme de plus. Elle est redoutable dès que la passion l’enflamme — l’amour ou la haine, — car elle a conservé mieux que l’homme la sauvagerie primitive des instincts ; on trouve chez elle la souplesse rusée du félin, la griffe du tigre qui se fait sentir tout à coup sous la patte de velours, l’égoïsme naïf, la nature indisciplinable et rebelle, l’étrangeté déconcertante et illogique des passions et des désirs. Et c’est pourquoi elle a besoin d’un maître fort, capable de la guider et au besoin de réprimer ses incartades. Mais si elle inspire la crainte, elle sait aussi charmer par sa grâce frêle et déli-

  1. W. VI, 96.