Page:Lichtenberger - La Philosophie de Nietzsche.djvu/170

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ramènera une combinaison déjà réalisée. Mais cette combinaison entraînera à sa suite, en vertu du déterminisme universel, la série totale des combinaisons déjà produites. En sorte que l’évolution universelle ramène indéfiniment les mêmes phases et parcourt éternellement un cercle immense. Chaque vie particulière n’est qu’un fragment imperceptible du cycle total : tout individu a donc déjà vécu un nombre infini de fois la même vie et la revivra éternellement à nouveau. « Tous les états que ce monde peut atteindre, il les a déjà atteints, et non pas seulement une fois, mais un nombre infini de fois. Il en est ainsi de ce moment : il était déjà une fois, beaucoup de fois et de même il reviendra, toutes les forces étant réparties exactement comme aujourd’hui ; et il en est de même du moment qui a engendré celui-ci et du moment auquel il a donné naissance. Homme ! Toute ta vie, comme un sablier, sera toujours à nouveau retournée et s’écoulera toujours à nouveau, — chacune de ces existences n’étant séparée de l’autre que par la grande minute de temps nécessaire pour que toutes les conditions qui t’ont fait naître se reproduisent dans le cycle universel. Et alors tu retrouveras chaque douleur et chaque joie, et chaque ami et chaque ennemi, et chaque espoir et chaque erreur et chaque brin d’herbe et chaque rayon de soleil, et toute l’ordonnance de toutes choses. Ce cycle dont tu es un grain, brille à nouveau. Et dans chaque cycle de l’existence humaine, il y a toujours une heure où chez un individu d’abord, puis chez beaucoup, puis chez tous, s’élève la pensée la plus puissante, celle du Retour éternel de toutes choses — et c’est chaque fois pour l’humanité l’heure de midi[1]. »

Cette hypothèse sur l’évolution universelle inspira à Nietzsche, du jour où elle apparut sur l’horizon de sa pensée, un sentiment d’immense enthousiasme auquel se

  1. W. XII. 122.