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1876 en effet l’état de santé de Nietzsche lui interdit les travaux de bibliothèque nécessaires pour des recherches de cet ordre ; et son esprit, d’ailleurs, s’était tourné vers d’autres problèmes. Mais les esquisses qui nous ont été conservées suffisent pour nous faire connaître ses idées essentielles et pour nous montrer avec quelle conscience il avait exercé son métier de philologue. Quelque opinion qu’on puisse avoir sur les tendances de son esprit, sur sa méthode et sur la valeur des résultats qu’il a obtenus, il faut reconnaître en tout cas la loyauté et la sincérité de l’immense effort qu’il fit pour s’assimiler, dans sa totalité, la science qu’il était chargé d’enseigner.

Nous n’avons du reste pas, ici, à exposer ni à discuter les travaux philologiques de Nietzsche, mais simplement à dégager quel fut pour lui le résultat philosophique de ses recherches. Son intention était, disions-nous, d’aborder le problème de l’existence en étudiant la solution que les Grecs lui ont donnée. Voyons quelle est, d’après lui, cette solution et quelle valeur il lui attribue.

Le point de départ de Nietzsche est la métaphysique de Schopenhauer. Il admet avec le grand pessimiste que l’essence du monde est la volonté : que celle volonté est identique chez tous les êtres et s’affirme avec énergie dans la création entière. Cette volonté est un désir douloureux grâce auquel la vie de l’homme est un combat perpétuel avec la certitude d’être vaincu et qui se résume ainsi : « vouloir sans motif, toujours souffrir, puis mourir, et ainsi de suite aux siècles des siècles jusqu’à ce que notre planète s’écaille en petits morceaux. » Au point de vue de l’intelligence, le monde ne se justifie pas. La raison calcule que, dans toute vie, la somme de souffrance l’emporte forcément sur la somme de bonheur et elle conclut de là que l’homme doit tendre à l’abolition de la volonté en lui : la volonté une fois niée, le monde extérieur s’écroulera de lui-même puisqu’il n’est