Page:Lichtenberger - Novalis, 1912.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
144
DOCTRINE PHILOSOPHIQUE DE NOVALIS

cun but pratique. Le génie se fraie des chemins nouveaux, fait jaillir de lui des pensées nouvelles. Or l’acte génial par excellence, l’acte mystérieux par lequel, en une sorte d’extase, le moi se dédouble en Âme et Esprit, par lequel l’Âme devient un objet pour l’Esprit et par lequel l’Esprit contemple l’Ame d’une façon purement désintéressée et cherche à deviner son mystère, c’est ce que Novalis appelle, d’après Fichte, l’Intuition intellectuelle. C’est par l’intuition intellectuelle que se révèle au génie la vérité fondamentale, à savoir que l’univers tout entier, le monde matériel comme le monde spirituel est le produit de l’imagination créatrice. Devenons des génies et nous nous saurons démiurges.

Ainsi le moi génial découvre par l’intuition intellectuelle que le non-moi n’est pas une réalité extérieure au moi et qui s’impose fatalement à lui, mais que le moi, en vertu de son imagination créatrice enfante spontanément le non-moi. L’univers est donc l’œuvre du moi, « il est, dit Novalis, originairement un avec moi », « il est comme je le veux », « il doit posséder la faculté primordiale de se déterminer d’après moi, d’être conforme à ma volonté ». Si donc je ne trouve pas le monde tel que je le veux, s’il m’apparaît comme une nécessité qui m’opprime, il faut, continue Novalis, chercher la raison de cette discordance, soit dans les deux facteurs du produit, soit dans un seul. Ou bien le