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CONCLUSION

se détraque et s’épuise rapidement. Il est aisé d’interpréter comme des symptômes morbides, comme des tares de décadence, bien des traits, soit dans sa vie soit dans œuvre. On pourra regarder, par exemple, son amour pour Sophie de Kühn, pour une fillette de douze ans, comme une de ces aberrations maladives souvent observées et décrites par les médecins chez certains dégénérés. On tiendra pour morbide aussi cette hyperexcitabilité qui aboutit à des visions et à des extases, cette faculté d’association qui lui permet de se retrouver lui-même dans l’univers entier, et qui a sa source véritable dans une incapacité d’attention, dans l’impossibilité de faire un triage parmi le chaos des représentations éveillées dans l’esprit, en vertu de la loi d’association, chaque fois qu’une excitation vient mettre en branle l’appareil nerveux. Morbide aussi cette aspiration passionnée vers la nuit, vers l’au-delà, qui a sa source dans la détresse physiologique d’un corps qui se détourne de la vie parce que la vie lui échappe. Morbide cette foi chimérique et obstinée dans le pouvoir absolu de la volonté. Morbide enfin cette obsédante sensualité qu’exaspère encore la tuberculose et qui associe chez notre mystique des représentations voluptueuses aux idées de mort et aux émotions religieuses.

Alors que certains condamnent Novalis comme décadent, d’autres le tiennent pour un rêveur, un