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L’EXPÉRIENCE DE L’AMOUR ET DE LA MORT

ment du royaume du Soleil, c’est la Fable qui, à l’instant où commence le règne de l’Eternité, prend la place des Parques ; c’est la poésie qui remplace la Fatalité. La vie bienheureuse n’est pas seulement le règne de la Sagesse. Elle est aussi le triomphe de la Beauté, elle se déroule librement, tel un poème harmonieux ou un rêve divin.

Et c’est dans le royaume de la Nuit, au sein de l’Unité où s’abolit toute multiplicité, où s’évanouit le mirage de l’individuation, que le poète retrouvera la fiancée qui l’a quitté. Là s’accomplira le msytère divin du contact spirituel entre les amants que la mort a séparés. « Tu descends vers moi, ô ma bienaimée, conclut le poète à la fin du premier hymne ; la Nuit est là, mon âme est en extase ; la journée de notre vie terrestre est accomplie et tu es mienne de nouveau. Mes yeux plongent dans les ténèbres de tes yeux profonds ; je n’y vois rien qu’amour et félicité. Nous nous affaissons sur l’autel de la Nuit, sur la molle couche de volupté. Et allumée par les ardeurs de la chaude étreinte, s’élève la pure et sainte flamme du doux holocauste qui se consume ».

L’homme peut-il donc pénétrer dès cette vie dans ce royaume mystérieux ? Lui est-il donné de sortir de lui-même, de s’échapper de son individualité, d’entrer en communication spirituelle directe avec d’autres hommes, avec des Esprits ? Novalis le croit. Chacun de nous, il en est convaincu, peut s’évader