Page:Linstant de Pradine - Nos fils, ou de la Néotocratie en Haïti.djvu/30

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Presque tous nos grands écrivains, nos savants économistes, nos hommes politiques les plus vigoureux et les plus résolus, étaient à l’abri à l’étranger, ils n’ont pas pu écrire, faire entendre quelques vérités utiles, et ils ont pu organiser les moyens de venir, et ils sont venus, en effet, attaquer le lion jusque dans son antre ? Mais qui donc a été persécuté ou même inquiété ? lorsqu’en pleine Ghamhre cet emprunt vraiment désastreux a été dénoncé aux représentants de la nation par ceux qui voient aujourd’hui leurs propres biens séquestrés ?


Ce n’est donc pas dans ce qu’on dit, mais plutôt dans ce qu’on ne dit pas (et pour cause), qu’il faut aller chercher la raison du silence gardé sur cet emprunt de 3 millions de piastres,

La maison de commerce qui avait contracté avec le gouvernement était la plus florissante d’Haïti ; elle venait à chaque heure du jour en aide au trésor obéré, par des prêts de la main à la main, moyennant, il est vrai, certains avantages qui rendaient très-fructueuses ces opérations qu’en termes d’argot commercial on appelle des petites broches. Et comme dans notre pays, ministres, sénateurs, députés, magistrats, les plus minces garçons de bureaux, tout le monde est commerçant, exerce une industrie, fait un trafic quelconque, personne n’était assez osé pour attaquer l’entreprise d’une maison qui, par son influence et l’étendue de ses relations, pouvait le ruiner en lui refusant ses traites sur l’Europe, dont elle avait en quelque sorte le monopole, en lui retirant tout crédit ou en donnant sur sa situation à l’étranger des renseignements déplorables, mais exacts : voilà la vérité vraie.

Si vous daignez, Messieurs, vous donner la peine de