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guerre des gaules. — liv. v.

coutume, que quelqu’un d’entre nous sorte pour conférer ; qu’ils ont à faire pour l’intérêt commun des propositions qui pourront apaiser les différends.

28. On leur envoie C. Arpinius, chevalier romain ami de Sabinus, et un certain Q. Junius, Espagnol, qui était venu déjà plusieurs fois trouver Ambiorix par ordre de César. Ambiorix leur dit qu’il avait de grandes obligations à César de l’avoir déchargé du tribut qu’il était dans l’habitude de payer à ceux de Namur ses voisins, et de lui avoir renvoyé son fils et son neveu, que ces peuples tenaient esclaves et dans les fers en qualité d’otages ; qu’à l’égard de l’attaque de notre camp, elle ne s’était faite ni de son avis ni de son consentement, et que sa nation l’y avait forcé ; que son autorité sur ce peuple, était telle, que la multitude n’avait pas moins de pouvoir sur lui, qu’il en avait sur la multitude ; que sa nation n’avait repris les armes que parce qu’elle n’avait pu s’opposer au torrent de toute la Gaule révoltée ; que la faiblesse des siens en était une preuve sensible ; qu’il n’était pas assez novice dans les affaires, pour se croire en état de mesurer ses forces aux nôtres ; mais que tous les Gaulois, d’un commun accord, ayant pris ce jour pour attaquer à la fois nos quartiers, afin que les légions ne pussent se secourir l’une l’autre, comme Gaulois, ils n’avaient pu se refuser à des Gaulois, dont le but n’était que de recouvrer leur commune liberté ; qu’après avoir religieusement rempli son devoir de Gaulois, il voulait actuellement avoir égard à ses obligations envers César ; qu’il avertissait donc et priait Titurius, son ami, de pourvoir à sa sûreté et à celle de ses troupes ; que les Allemands en grand nombre avaient passé le Rhin, et devaient arriver dans deux jours ; qu’ils devaient voir s’il n’était pas convenable pour eux de retirer leurs troupes de leurs quartiers d’hiver, avant que les peuples voisins s’en aperçussent, et de les conduire à Cicéron ou à Labiénus, qui n’étaient l’un et l’autre éloignés que de neuf à dix lieues de leur retranchement ; qu’il promettait et jurait de leur livrer passage tant pour reconnaître les bontés de César, que pour soulager le canton où elles étaient en quartier d’hiver. Après ce discours Ambiorix se retira.

29. C. Arpinius et Junius le rapportèrent à leurs généraux. Ce changement subit les embarrassa : quoique ces avis leur vinssent d’un ennemi, ils ne crurent pas devoir les mépriser ; ce qui leur fit surtout impression, ce fut qu’il n’était pas probable qu’un aussi petit état et aussi faible que celui des Liégeois eût osé, de lui-même, entreprendre de faire la guerre au peuple romain. Cette affaire portée au conseil y souleva de grandes contestations. Cotta ainsi que plusieurs tribuns, et des centurions d’un ordre supérieur, étaient d’avis de ne rien décider légèrement, et de ne point sortir de leurs quartiers d’hiver sans l’ordre de César. Ils soutenaient que, quelque nombreux que fussent les Allemands, on pouvait se défendre contre eux, étant bien retranchés : témoin la manière vigoureuse avec laquelle ils avaient soutenu le premier effort des ennemis, et les avaient repoussés ; qu’ils ne manquaient point de vivres ; que cependant il leur viendrait du secours ou des quartiers les plus proches, ou de César ; en un mot, qu’il n’y avait rien de plus imprudent et de plus honteux que de suivre less conseils d’un ennemi en des circonstances si importantes.

30. Sabinus soutenait au contraire qu’il serait bien tard de se retirer,