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guerre des gaules. — liv. v.

donner. Par l’enquête que fit César, il connut que c’étaient les Suèves qui avaient envoyé le secours ; il reçut les excuses de ceux de Cologne, et s’informa des passages et des chemins qui conduisaient dans le pays des Suèves.

10. Peu de jours après, il apprit de ceux de Cologne, que les Suèves assemblaient toutes les troupes dans un seul endroit, et qu’ils avaient donné ordre aux nations de leur dépendance d’envoyer à leur secours de l’infanterie et de la cavalerie. Sur cet avis, il se pourvoit de vivres, se poste dans un lieu favorable et ordonne aux Ubiens de quitter la campagne, pour se retirer dans les villes, eux, leur bétail, et tout ce qu’ils possédaient. Il espérait par-là que la famine, et l’incapacité des Suèves, les pousseraient à la dure nécessité du combat : il ordonna encore aux Ubiens d’envoyer partout des éclaireurs, pour découvrir ce. qui se e passait chez ces Barbares. Ils obéirent, et peu après ils lui rapportèrent, que sur la nouvelle de l’arrivée de l’armée romaine, les Suèves s’étaient retirés jusqu’à l’extrémité de leur pays avec toutes leurs troupes, et celles de leurs alliés ; que dans cet endroit il y avait une forêt immense, appeiée la Forêt-Noire, qui s’étend fort avant dans le pays, et que, comme un mur naturel, elle sépare les Chérusques des Suèves, les défendant des incursions les uns des autres que les Suèves avaient résolu d’attendre les Romains à l’entrée cette forêt.

11. Puisque. nous en sommes là, il ne sera pas hors de propos de parler ici des mœurs des Gaulois et des Allemands, et de faire voir les différences qui existent entre les deux nations. Non-seulement les divers peuples de la Gaule, les villes, les bourgs et les villages, mais encore, presque toutes les familles se divisent en plusieurs factions, à la tête desquelles sont ceux qui ont le plus de crédit. Ceux-ci exercent un pouvoir arbitraire ; dans les conseils, ils font tout résoudre suivant leur volonté. Il semble que cette constitution politique remonte très-haut, pour garantir les petits de l’oppression des grands. Car chacun a soin de protéger ceux de son parti, et d’empêcher qu’ils ne soient accablés ; sinon il perdrait lui-même toute son influence. Il en est de même pour le gouvernement général de la Gaule, dont toutes les nation sont divisées en deux partis.

12. Lorsque César vint dans les Gaules, les Autunois étaient à la tête de l’un de ces partis, et les Francs-Comtois à la tête de l’autre. Ces derniers se trouvaient être les plus faibles, parce que de toute ancienneté ceux d’Autun avaient été leurs maîtres, et qu’ils étaient soutenus par de grandes alliances. C’est ce qui porta les Francs-Comtois à rechercher l’amitié des Allemands et d’Arioviste, qu’ils mirent dans leurs intérêts par de grands présens et de grandes promesses. Cette union les rendit si puissans, qu’après avoir gagné plusieurs batailles sur leurs rivaux, et détruit toute leur noblesse, ils engagèrent dans leur parti la plupart des alliés de ceux d’Autun, reçurent en otages les enfans des principaux Autunois, les obligèrent à faire publiquement serment de ne jamais rien entreprendre contre eux, s’emparèrent d’une partie de leurs frontières, et enfin se rendirent souverains de toute la Gaule. Divitacus touché du triste état de ses compatriotes, était allé à Rome implorer leur nom le secours du sénat ; mais il en était revenu sans rien obtenir. L’arrivée de César changea tout : les otages des Autunois leur furent rendus, leurs anciens alliés leur revin-