Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 4, 1846.djvu/1070

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bonne trempe, et que le faible ne soutint pas le fort, elles ne firent qu’augmenter la déroute.

Or, en cette occasion, outre que l’ennemi avait la force de l’ordre de bataille, c’est qu’il y joignit en même temps les autres parties qui doivent agir de concert. Ainsi la raison qu’on allègue toujours pour autoriser la cause à laquelle on attribue la défaite d’un tel n’est pas toujours la véritable raison.

Ce n’est pas là la seule faute que de fausses maximes aient fait commettre dans l’ordre de bataille de cette armée. Il ne faut jamais, dit-on, faire de mouvemens devant son ennemi ; pour en avoir fait, on a été battu. Cela peut être vrai, surtout s’ils ont été faits mai à propos, et sur ce faux principe ; qu’il n’en-faut jamais faire, on n’apprend aucun mouvement aux troupes, parce qu’on n’en sait pas, et qu’on ne s’étudie pas à en trouver ; en sorte que dès que le premier ordre de bataille a été dérangé, on ignore, comme je t’ai dit ci-devant, ce que c’est que d’en former un autre tel que le demandé l’occasion. Voici ce qui est arrivé dans cette même bataille :

Quand ta moitié du front de la première ligne de l’aile droite, qui était la partie dont le flanc était appuyé à la rivière, eut été renversée, les ennemis profitèrent du terrain qu’ils avaient gagné pour se mettre en bataille sur le flanc des-deux lignes dont les troupes n’avaient pas été attaquées. Notre armée avait bien une lieue et demie d’étendue ; il n’y avait pas plus du cinquième de son front qui eut été renversé. Ainsi, avant que l’ennemi eût pu faire approcher un nombre de troupes capable de le mettre assez en force pour se former sur le flanc des troupes qui n’avaient pas combattu, celles qui avaient été chargées auraient bien eu le temps de se réformer entre ces deux ruisseaux, dont la distance était petite, sur plusieurs lignes et de faire front à l’ennemi, qui même croyait si bien qu’elles allaient prendre ce parti, qu’il ne les chargea plus ; et voyant qu’elles se retiraient en colonnes, il prit le parti de les suivre ; mais peu de temps après, tout se mit en déroute sans que l’ennemi fit aucune charge.

Tout cela n’arrive que faute d’instruction et de principes qui enseignent à mouvoir ces grandes armées aussi avons-nous perdu plusieurs batailles, où l’on n’a su faire combattre l’une qu’un cinquième, comme à celle dont je viens de parler, à d’autres un tiers, à d’autres un quart de nos forces contre toutes celles de l’ennemi. Je citerai l’exemple d’une, bataille donnée, à Nordlingen en 1646, dans un temps un peu plus éloigné que celui-là, dans laquelle toute l’armée fut mise en déroute à un cinquième près et ne laissa pas, quoiqu’elle n’eût, conservé que cette partie, d’être victorieuse, ce qui est bien différent de celle ci-dessus. Tout ce que je cite est connu, et même les plans et les récits en sont publics.


Du devoir d’un général, et du poste qui lui convient le mieux dans une bataille.

Quand un général peut voir d’avance les lieux où il doit combattre, il ne doit pas manquer à te faire. Quelque confiance qu’il ait en quelque autre personne, et quelque fidèle que puisse être le rapport qu’on lui fera, il ne représentera jamais si bien les choses à son imagination que ce qu’il aura vu de ses propres yeux, pour le peu qu’il s’y connaisse.