Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/102

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que ses élus. C’était l’affranchir de la place Vendôme. Un autre : la garde nationale proteste contre toute tentative de désarmement et déclare qu’elle y résistera au besoin par les armes. Voté à l’unanimité. Et maintenant, Paris va-t-il subir la visite du Prussien, le laisser parader comme en 1815 sur ses boulevards ? Il n’y a pas là-dessus de discussion possible. L’assemblée, surchauffée, pousse un cri de guerre. Quelques observations de prudence sont étouffées. Oui, l’on s’opposera par les armes à l’entrée des Prussiens ! Cette proposition sera soumise par les délégués à leur cercle de compagnie. Et, s’ajournant au 3 mars, la réunion se rend en masse à la Bastille, roulant avec elle un grand nombre de mobiles et de soldats.

Paris, anxieux pour sa liberté, se serrait depuis le matin autour de sa colonne révolutionnaire comme il avait entouré la statue de Strasbourg quand il tremblait pour la patrie. Les bataillons défilaient tambours et drapeau en tête, couvrant la grille et le piédestal de couronnes d’immortelles. Parfois, un délégué montait sur le socle, haranguait le peuple qui répondait : « Vive la République ! » Un drapeau rouge fend la foule, s’engouffre dans le monument, reparaît à la balustrade. Un grand cri le salue, suivi d’un long silence ; un homme escaladant la coupole a l’audace d’aller fixer la hampe dans la main du Génie. Et, aux acclamations frénétiques du peuple, on voit pour la première fois depuis 48, le drapeau d’égalité ombrager cette place plus rouge encore que lui du sang de mille martyrs.

Le Gouvernement fit battre le rappel dans les quartiers bourgeois ; aucun bataillon ne répondit. Le lendemain les pèlerinages continuèrent, de gardes nationaux, de mobiles, de soldats. Les mobiles vinrent les premiers, conduits par leurs fourriers ; quand ils parurent portant de grandes couronnes d’immortelles, les clairons, debout aux quatre coins du socle, sonnèrent la charge. L’armée suivit ; un régiment de chasseurs à pied défila. Des femmes vêtues de noir suspendirent une bannière tricolore : « Aux martyrs, les femmes républicaines ! » Bannières et drapeaux s’enroulèrent sur le fût, l’enveloppèrent, pendirent de la balustrade, et le soir la colonne révolutionnaire, revêtue d’immortelles, de