Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/19

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Napoléon III, ce prudhomme césarien, pouvait dire en 56 aux inondés du Rhône : « L’inondation est comme la Révolution, l’une et l’autre doivent rentrer dans leur lit pour n’en plus sortir. » Ses prodigieux travaux, sa richesse multipliée, les fanfares de la guerre de Crimée par où Napoléon III avait payé sa dette aux Anglais, tout dans le monde parlait de la France excepté la France elle-même.

Les ouvriers de Paris se refaisaient non du coup d’État de 51 qui les avait peu éclaboussés mais de la tueuse de Juin 48 qui mitrailla leurs faubourgs, fusilla et déporta des milliers de travailleurs. Ils gagnaient du pain, sans le croire dû à l’Empire, même, à l’occasion, ils marchaient contre lui. Aux élections de 57 cinq candidats hostiles furent élus à Paris, dont Darimon, disciple de Proudhon, Émile Ollivier parce que, fils d’un proscrit, il avait dit : « Je serai le spectre du 2 Décembre » ; l’année suivante deux opposants encore : Ernest Picard, avocat de langue acérée, et un grand du barreau, Jules Favre, ancien défenseur d’insurgés sous Louis-Philippe, ancien constituant de 48, que venait de remettre en relief sa défense d’Orsini.

Cet Italien eut la chance de vaincre par sa défaite. Les bombes de janvier 1858 épargnèrent la seule victime visée. Napoléon III, dont Orsini voulait délivrer l’Italie, fut précisément son libérateur. Une réaction suivit d’abord, qui jeta dans les prisons et en exil une nouvelle fournée de républicains, mais quelques mois après l’exécution d’Orsini l’armée française marchait contre l’Autriche. L’opinion prit feu pour cette guerre de délivrance ; le faubourg Saint-Antoine acclama l’Empereur, chaque victoire fut une fête dans nos foyers ; et quand Napoléon III revint, laissant inachevée la libération italienne, il y eut dans l’âme française autant d’amertume qu’en Italie.

Il crut nous apaiser par une amnistie générale qui ne portait pas, la plupart des vaincus de Décembre étant libérés depuis longtemps. À peine s’il restait quelques centaines de victimes en Algérie, en France, et les plus illustres ou les plus connus en exil, Victor Hugo, Raspail, Ledru-Rollin, Louis Blanc, Pierre Leroux, Edgar Quinet, Bancel, Félix Pyat, Schœlcher, Clément Tho-