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Depuis quelques jours, leur cavalerie échangeait des coups de feu avec les avant-postes parisiens de Châtillon et de Puteaux. Les fédérés occupaient Courbevoie, qui commande le débouché sur Versailles, et l’Assemblée s’en inquiétait beaucoup. Le 2 avril, à onze heures du matin, trois brigades versaillaises, en deux colonnes venant l’une par Rueil, l’autre par Montretout, se rejoignaient au rond-point des Bergères. Six à sept cents cavaliers de la brigade Galliffet appuyaient ce mouvement. Les fédérés n’avaient à Courbevoie que cinq à six cents hommes défendus par un embryon de barricade sur la route de Saint-Germain. Ils faisaient bonne garde ; le matin même, leurs vedettes avaient atteint mortellement le médecin en chef de l’armée versaillaise, Pasquier, venu à cheval en reconnaissance, — ce que M. Thiers appela l’assassinat d’un parlementaire.

À midi, les Versaillais, ayant canonné la caserne de Courbevoie et la barricade, tentaient l’assaut. Aux premiers coups de feu des fédérés, ils détalèrent, abandonnant sur la route canons et officiers. Le général Vinoy fut obligé de rallier lui-même les fuyards. Pendant ce temps, le 113e de ligne tournait Courbevoie par la droite, et l’infanterie de marine prenait à gauche par Puteaux. Trop inférieurs en nombre, redoutant d’être coupés de Paris, les fédérés évacuèrent Courbevoie et, poursuivis par les obus, se replièrent sur l’avenue de Neuilly, laissant douze morts et quelques prisonniers. Les gendarmes en prirent cinq et les fusillèrent au pied du Mont-Valérien. Cette expédition faite, l’armée regagna ses cantonnements.

Au bruit du canon, Paris s’arrêta. Personne ne croyait à une attaque, tant l’on vivait depuis le 28 mars dans une atmosphère de confiance. C’était une salve d’anniversaire, sans doute, tout au plus un malentendu. Quand les nouvelles, les voitures d’ambulances arrivèrent, quand ce mot courut : « Le siège recommence ! » une même explosion vint de tous les quartiers. Les barricades se relèvent. On traîne des canons sur les remparts de la porte Maillot et des Ternes. À trois heures, cinquante mille hommes, crient : « À Versailles ! » Les femmes veulent marcher en avant.