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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

par la bataille, et comparez maintenant avec les feuilles versaillaises qui demandent les fusillades en masse dès que les troupes auront vaincu Paris.

Suivons ces catafalques qui remontent la rue de la Roquette. Entrons avec eux au Père-Lachaise. Tous ceux qui meurent pour Paris sont ensevelis dans la grande famille et la Commune revendique l’honneur de payer leurs funérailles. Son drapeau rouge flamboie aux coins du corbillard suivi des camarades du bataillon auxquels se joignent toujours quelques passants. Une femme accompagne le corps de son mari. Un membre de la Commune est aussi derrière le cercueil. Au bord de la tombe, il parle non de regrets, mais d’espoir, de vengeance. La veuve serre ses enfants contre elle, leur dit : « Souvenez-vous et criez avec moi : Vive la République ! Vive la Commune ! » — « C’est la femme du lieutenant Châtelet » nous dit un assistant.

Revenant sur nos pas, nous longeons la mairie du XIe, tendue de noir, deuil du plébiscite impérial dont le peuple de Paris est innocent et devient la victime. La place de la Bastille est joyeuse, animée par la foire au pain d’épice. Paris ne veut rien céder au canon ; il a même prolongé sa foire d’une semaine. Les balançoires s’élancent, les tourniquets grincent, les boutiquiers crient le bibelot à treize, les acrobates font le boniment et promettent la moitié de la recette aux blessés. Quelque garde qui revient des tranchées regarde, appuyé sur son fusil, le panorama du siège, l’entrée de Garibaldi à Dijon.

Descendons les grands boulevards. Au cirque Napoléon, cinq mille personnes s’étagent depuis l’arène jusqu’au faîte. De petits drapeaux invitent les pays à se grouper par département. La réunion a été provoquée par quelques négociants qui proposent aux citoyens des départements d’envoyer des délégués à leurs députés respectifs ; ils croient qu’on pourra les ramener, conquérir la paix par des explications. Un citoyen demande la parole, monte sur l’estrade. La foule applaudit Millière. « La paix ! nous la cherchons tous. Mais qui donc a commencé la guerre, qui donc a refusé toute conciliation ? Qui a attaqué Paris le 18 mars ? — M. Thiers. Qui l’a attaqué le 2 avril ? —