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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

rés très irrités viennent d’amener Dombrowski. Le général, sans commandement depuis le matin, s’était rendu avec ses officiers aux avant-postes de Saint-Ouen. Voyant son rôle terminé, il voulait, la nuit, à cheval, percer les lignes prussiennes et gagner la frontière. Un commandant appelé Vaillant, qui fut le lendemain fusillé comme traître, avait ameuté ses hommes contre le général. Introduit devant le Comité de salut public, Dombrowski s’écria comme la veille : « On dit que j’ai trahi ! » Les membres du Comité l’apaisèrent affectueusement. Dombrowski sortit, alla dîner à la table des officiers et, à la fin du repas, sans mot dire, il serra la main à tous ses compagnons. On comprit qu’il se ferait tuer.

Des messagers arrivent à l’Hôtel-de-Ville de tous les points de la lutte. Un grand nombre de gardes et d’officiers, courbés sur de longues tables, expédient les ordres et les dépêches. Les cours se remplissent de fourgons, de prolonges ; les chevaux tout harnachés mangent ou dorment dans les coins. Les munitions partent et arrivent. Nul le découragement ou même l’inquiétude ; partout une activité presque gaie.

Les rues et les boulevards ont reçu leur éclairage réglementaire, sauf dans les quartiers envahis. À l’entrée du faubourg Montmartre, la lumière cesse brusquement ; il y a comme un énorme trou noir. Cette obscurité est bordée de sentinelles fédérées jetant par intervalle leur cri : Passez au large ! Au delà, un silence plein de menace. Ces ombres se mouvant dans la nuit prennent des formes gigantesques ; il semble que l’on marche dans un cauchemar ; les plus braves sentent l’effroi.

Il y eut des nuits plus bruyantes, plus sillonnées d’éclairs, plus grandioses, quand l’incendie et la canonnade enveloppèrent tout Paris ; nulle ne pénétra plus lugubrement les âmes. Nuit de recueillement, veillée des armes. On se cherche dans les ténèbres, on se parle bas, on prend de l’espoir, on en donne. Aux carrefours, on se consulte pour étudier les positions, puis, à l’œuvre ! En avant la pioche et le pavé ! Que la terre s’amoncelle où s’amortira l’obus. Que les matelas précipités des maisons abritent les combattants ; on ne