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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

dans la déroute, les yeux pleins de lumière, la main droite levée défiant le désespoir, ces hommes armés tout suants de la bataille, suspendant leur souffle pour entendre cette adjuration qui monte de la tombe ; il n’est pas une scène plus tragique dans les mille tragédies de ce jour.

Les propositions s’amoncellent. Sur la table est ouverte une grande caisse de dynamite. Un geste imprudent fait sauter la mairie. On parle de couper les ponts, de soulever les égouts. Que valent ces éclats de paroles ! C’est de bien autres munitions qu’il faut. Où est le directeur du génie qui d’un geste, a-t-il dit, peut entr’ouvrir des gouffres ? Disparu. — Disparu aussi le chef d’état-major de la guerre. Depuis l’exécution de Beaufort, il a senti souffler un mauvais vent pour ses aiguillettes. On continue de motionner et on motionnera encore. Le Comité Central déclare qu’il se subordonnera au Comité de salut public. Il semble convenu à la fin que le chef de la 11e légion groupera tous les fédérés réfugiés dans le XIe. Peut-être parviendra-t-il à former les colonnes dont Delescluze a parlé.

Le délégué à la Guerre va visiter les défenses. De solides préparatifs se font à la Bastille. Rue Saint-Antoine, à l’entrée de la place, on achève une barricade garnie de trois pièces d’artillerie. Une autre, à l’entrée du faubourg, couvre les rues de Charenton et de la Roquette. Là, non plus, on ne garde pas ses côtés. Les gargousses, les obus sont empilés le long des maisons, à la merci des projectiles ennemis. On arme en toute hâte les abords du XIe. À l’intersection des boulevards Voltaire et Richard-Lenoir une barricade est faite de tonneaux, de pavés et de grandes balles de papier. Cet ouvrage inabordable de front sera également tourné. En avant, à l’entrée du boulevard Voltaire, place du Château-d’Eau, un mur de pavés haut d’un mètre et demi. Derrière ce rempart mortel, assisté seulement par deux pièces de canons, les fédérés arrêteront pendant vingt-quatre heures les colonnes versaillaises débouchant sur la place du Château-d’Eau. À droite, le bas des rues Oberkampf, d’Angoulême, du faubourg du Temple, la rue Fontaine-au-Roi et l’avenue des Amandiers sont en bonne défensive. Plus haut, dans le Xe,