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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

tête contre les murs ; d’autres hurlaient, s’arrachaient les cheveux et la barbe. Un nuage pestilentiel s’élevait de cet amas vivant de haillons et d’épouvantes. « Ils sont là, disait l’Indépendance française, plusieurs milliers empoisonnés de crasse et de vermine, infectant à un kilomètre à la ronde. Des canons sont braqués sur ces misérables, parqués comme des bêtes fauves. Les habitants de Paris craignent l’épidémie résultant de l’enfouissement des insurgés tués dans la ville ; ceux que l’Officiel de Paris appelait les ruraux craignent bien davantage l’épidémie résultant de la présence des insurgés vivants au camp de Satory. »

Voilà les honnêtes gens de Versailles qui venaient faire triompher « la cause de la justice, de l’ordre, de l’humanité et de la civilisation. » Combien, malgré le bombardement et les souffrances du siège, ces brigands de Paris avaient été bons et humains, à côté de ces honnêtes gens. Qui a jamais maltraité un seul prisonnier dans le Paris de la Commune ? Quelle femme a péri ou a été insultée ? Quel coin des prisons parisiennes a caché une seule des mille tortures qui s’étalaient au grand jour de Versailles.

Du 24 mai aux premiers jours de juin, les convois ne cessèrent d’affluer dans ces gouffres. Les arrestations continuaient par grands coups de filet, jour et nuit. Les sergents de ville accompagnaient les militaires, et les gens d’ordre, sous prétexte de perquisitions, forçaient les meubles, lardaient de coups de baïonnettes les endroits suspects, s’appropriaient les objets de valeur. Les appartements des membres ou des fonctionnaires marquants de la Commune furent dévalisés et l’on condamna plus tard des officiers pour des vols trop flagrants : le lieutenant-colonel Thierce, maire provisoire du XIIIe ; Lyoën, prévôt du XVIIe, etc.[1]. Ils arrêtaient non seulement les personnes compromises dans les derniers événements, celles que dénonçaient les pièces imprudemment laissées dans les mairies et les ministères, mais quiconque était connu pour ses opinions

  1. Jugements des 28 décembre 72 et avril 73.