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HISTOIRE DE LA COMMUNE DE 1871

que le commissaire Rustaut qui avait fait ses preuves dans les procès précédents ne put se retenir de dire : « Mais vous voulez donc les condamner tous ! » Il fut remplacé par l’abruti Charrière. L’accusation s’évanouissait d’heure en heure devant les dénégations des témoins. Aucun des accusés n’échappa. Sept furent condamnés à mort, neuf aux travaux forcés, les autres à la déportation.

La commission des grâces attendait, chassepot en main, la proie que lui levaient les conseils de guerre. Le 22 février 72, elle fusilla trois des prétendus meurtriers de Clément Thomas et de Lecomte, ceux-là même dont l’innocence était le mieux ressortie des débats : Herpin-Lacroix, Lagrange et Verdagner. Debout, aux poteaux de Ferré, ils crièrent : Vive la Commune ! et moururent la face rayonnante. Le 19 mars, Préau de Vedel fut exécuté. Le 30 avril, ce fut le tour de Genton. Ses blessures des barricades s’étaient rouvertes et il se traîna vers la butte, sur ses béquilles. Arrivé au poteau, il les jeta en l’air, cria : « Vive la Commune ! » Le 25 mai, les trois poteaux se garnirent encore avec Sérizier, Bouin et Boudin condamnés pour avoir supprimé un Versaillais qui se battait contre la construction de barricades dans la rue Richelieu. Ils dirent aux soldats du peloton : « Nous sommes enfants du peuple et vous l’êtes aussi. Nous allons vous montrer comment savent mourir les enfants du peuple. » Eux aussi moururent en criant : « Vive la Commune ! »

Ces hommes qui s’adossaient si courageusement à la tombe, qui, du geste, défiaient les fusils et criaient en mourant que leur cause ne mourrait pas, ces voix vibrantes, ces regards fiers, troublaient profondément les soldats. Les fusils tremblaient et, presque à bout portant, il tuaient rarement du coup. À l’exécution qui suivit, le 6 juillet 72, le commandant Colin ordonna de bander les yeux des patients. Ils étaient deux : Baudouin, accusé d’avoir incendié l’église Saint-Eloi et tué un individu disputant une barricade, Rouilhac qui avait fusillé un bourgeois qui canardait les fédérés. Tous les deux repoussèrent les sergents qui venaient leur bander les yeux. Le commandant Colin donna l’ordre