Page:Lissagaray - Histoire de la Commune de 1871, MS.djvu/60

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Le 7, dans le premier numéro de son journal la Patrie en danger, Blanqui et ses amis, remis en liberté comme tous les détenus politiques, vinrent « offrir au Gouvernement leur concours le plus énergique et le plus absolu ».

Paris entier se livra à ces députés de la Gauche, oublia leurs défaillances dernières, les grandit de toute la hauteur du péril. Prendre, accaparer le pouvoir en un pareil moment, parut un de ces coups d’audace dont le génie seul est capable. Ce Paris, affamé depuis quatre-vingts ans de libertés municipales, se laissa donner pour maire le vieux postier de 48, Étienne Arago, frère d’Emmanuel et qui piaulait contre toute audace révolutionnaire. Il nomma aux vingt arrondissements les maires qu’il voulut, lesquels se donnèrent les adjoints qui leur plurent. Mais Arago annonçait des élections prochaines et parlait de faire revivre les grands jours de 92 ; mais Jules Favre, aussi fier que Danton, criait à la Prusse, à l’Europe : « Nous ne céderons ni un pouce de notre territoire, ni une pierre de nos forteresses. » Et Paris acceptait d’entrain cette dictature au verbe héroïque. Le 14, quand Trochu passa la revue de la garde nationale, trois cent mille hommes échelonnés sur les boulevards, la place de la Concorde et les Champs-Élysées firent une acclamation immense, un acte de foi pareil à celui de leurs pères au matin de Valmy.

Oui, Paris se livra sans réserves à cette Gauche qu’il avait dû violer pour faire sa révolution. Son élan de vouloir ne dura qu’une heure. L’Empire à terre, il crut tout fini, réabdiqua. Vainement, des patriotes clairvoyants essayèrent de le tenir debout ; vainement, Blanqui écrivit : « Paris n’est pas plus imprenable que nous n’étions invincibles ; Paris mystifié par la presse vantarde, ignore les grandeurs du péril ; Paris abuse de la confiance ; » Paris s’abandonna à ses nouveaux maîtres, ferma obstinément les yeux. Pourtant chaque jour apportait un symptôme. L’ombre du siège approchait et la Défense, loin d’éloigner les bouches inutiles, engorgeait la ville de deux cent mille habitants de la banlieue. Les travaux extérieurs n’avançaient pas. Au lieu de jeter tout Paris sur les pioches et, clairons en tête, drapeau au vent, de conduire hors l’enceinte, par trou-