Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/194

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préférences pour ses élèves, dans les services fréquens et considérables qu’il aimait à rendre à ses compatriotes. Nous ne nous souvenons pas qu’il ait jamais pris plaisir à exprimer ses sentimens patriotiques, à parler longuement de la Pologne, de son passé, de son présent, de son avenir, à toucher aux questions historiques qui s’y rattachent. Malheureusement, la haine du conquérant, l’indignation virulente contre une injustice qui crie vengeance au ciel, les désirs et l’espoir d’une revanche éclatante qui étrangle à son tour le vainqueur, n’alimentaient que trop souvent les entretiens politiques dont la Pologne était l’objet. Chopin qui avait si bien appris à l’adorer durant une sorte de trêve dans la longue histoire de ses tortures, n’avait pas eu le temps d’apprendre à haïr, à rêver la vengeance, à savourer l’espoir de souffleter un vainqueur fourbe et déloyal. Il se contentait par conséquent d’aimer le vaincu, de pleurer avec l’opprimé, de chanter et de glorifier ce qu’il aimait, sans philippiques aucunes, sans excursions sur le domaine des prévisions diplomatiques ou militaires qui, faute de mieux, finissaient par des aspirations révolutionnaires antipathiques à sa nature. Les polonais, voyant toutes les chances de briser le fameux « équilibre européen » basé sur le partage de leur patrie se perdre de plus en plus, étaient convaincus que le monde se déjeterait sous le coup d’une pareil crime de lése-christianisme. Ils n’avaient peut-être pas tellement tort ; l’avenir se chargera de le