Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/229

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pâte de rose, de salpêtre et de larmes angéliques, est pétri l’idéal poétique des femmes de sa nation. Quand ses doigts distraits couraient sur les touches et en tiraient subitement quelques émouvans accords, il put entrevoir comment coulent les pleurs furtifs des jeunes filles éprises, des jeunes femmes négligées ; comment s’humectent les yeux des jeunes hommes amoureux et jaloux de gloire. Ne vit-il pas souvent alors quelque belle enfant, se détachant des groupes nombreux, s’approcher de lui et lui demander un simple prélude ? S’accoudant sur le piano pour soutenir sa tête rêveuse de sa belle main, dont les pierreries enchâssées dans les bagues et les bracelets faisaient valoir la fine transparence, elle laissait deviner sans y songer le chant que chantait son cœur, dans un regard humide où perlait une larme, dans sa prunelle ardente où le feu de l’inspiration luisait ! N’advint-il pas bien souvent aussi que tout un groupe, pareil à des nymphes folâtres, voulant obtenir de lui quelque valse d’une vertigineuse rapidité, l’environna de sourires qui le mirent d’emblée à l’unisson de leurs gaietés ?

Là, il vit déployer les chastes grâces de ses captivantes compatriotes, qui lui laissèrent un souvenir ineffaçable du prestige de leurs entraînemens si vifs et si contenus, quand la mazoure ramenait quelqu’une de ces figures que l’esprit d’un peuple chevaleresque pouvait seul créer et nationaliser. Là, il comprit ce qu’est l’amour, tout ce qu’est l’amour, ce qu’il est en Pologne,