Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 13 —

peinture par exemple, place une toile de vingt pouces carrés, comme la Vision d’Ézéchiel ou le Cimetière de Ruysdael, parmi les chefs-d’œuvre évalués plus haut que tel tableau de vaste dimension, fût-il d’un Rubens ou d’un Tintoret. En littérature, Larochefoucauld est-il moins un écrivain de premier ordre pour avoir toujours resserré ses Pensées dans de si petits cadres ? Uhland et Petőfi sont ils moins des poètes nationaux, pour n’avoir pas dépassé la poésie lyrique et la Ballade ? Pétrarque ne doit-il pas son Triomphe à ses Sonnets, et de ceux qui ont le plus répété leurs suaves rimes en est-il beaucoup qui connaissent l’existence de son poëme sur l’Afrique ?

Nous sommes certains de voir bientôt disparaître les préjugés qui disputent encore à l’artiste, n’ayant produit que des Lieder pareils à ceux de Franz Schubert ou de Robert Franz, sa supériorité d’écrivain sur tel autre qui aura partitionné les plates mélodies de bien des opéras que nous ne citerons pas ! En musique aussi on finira bientôt par tenir surtout compte dans les compositions diverses, de l’éloquence et du talent avec lesquels seront exprimés les pensées et les sentimens du poète, quels que soient du reste l’espace et les moyens employés pour les interpréter.

Or, on ne saurait étudier et analyser avec soin les travaux de Chopin sans y trouver des beautés d’un ordre très élevé, des sentimens d’un caractère parfaitement neuf, des formes d’une contexture harmonique aussi originale que savante. Chez lui la hardiesse