Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/275

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se heurtent, se confondent. L’immobilité ténébreuse fait place au mouvement ; il circule, s’accélère, se répand. Les vagues du lac se gonflent, comme un sein ému d’amour. Les larmes de la rosée, tremblantes comme celles de l’attendrissement, se distinguent de plus en plus ; l’on voit étinceler, l’un après l’autre, sur les herbes humides, des diamans qui attendent que le soleil vienne peindre leurs scintillemens. A l’Orient, le gigantesque éventail de lumière s’ouvre toujours plus large et plus vaste. Des lanières d’or, des paillettes d’argent, des franges violettes, des lisérés d’écarlate, le recouvrent de leurs immenses broderies. Des refiets mordorés panachent ses branches. A son centre, le carmin plus vif prend la transparence du rubis, se nuance d’orange comme le charbon, s’évase comme une torche, grandit enfin comme un bouquet de flammes, qui monte, monte, monte encore, d’ardeurs en ardeurs, toujours plus incandescent.

Enfin le Dieu du Jour paraît ! Son front éblouissant est orné d’une chevelure lumineuse. Il se lève lentement ; mais à peine s’est-il dévoilé tout entier, qu’il s’élance, se dégage de tout ce qui l’entoure et prend instantanément possession du ciel, laissant la terro loin au-dessous de lui.

Le souvenir des jours passés à l’île Majorque resta dans le cœur de Chopin comme celui d’un ravissement, d’une extase, que le sort n’accorde qu’une fois à ses