Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/300

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(elle les connut aussi !), par cette fameuse robe de Déjanire qui, s’identifiant à la chair du malheureux héros, le fit misérablement périr ? Si une femme donna la mort au noble Alcide par le subtil réseau de ses souvenirs, comment une femme n’eût-elle pas mené à la mort un être aussi frêle que l’était notre poête-musicien, en l’enveloppant d’un réseau semblable ?

Dîn ant sa première maladie, en 1847, on désespéra de Chopin pendant plusieurs jours. M. Gutmann, un de ses élèves les plus distingués, l’ami que dans ces dernières années il admit le plus à son intimité, lui prodigua les témoignages de son attachement ; ses soins et ses prévenances étaient sans pareils. Lorsque la Psse MarcelineCzartoryska arrivait, le visitant tous les jours, craignant plus d’une fois de ne plus le retrouver au lendemain, il lui demandait avec cette timidité craintive des malades et cette tendre délicatesse qui lui était particulière : « Est-ce que Gutmann n’est pas bien fatigué ?… » Sa présence lui étant plus agréable que toute autre, il craignait de le perdre, et l’eût perdu plutôt que d’abuser de ses forces. Sa convalescence fut fort lente et fort pénible ; elle ne lui rendit plus qu’un souffle de vie. Il changea à cette époque, au point de devenir presque méconnaissable. L’été suivant lui apporta ce mieux précaire que la belle saison accorde aux personnes qui s’éteignent. Pour ne pas aller à Nohant et, en allant ailleurs, ne pas se donner à luimême la certitude palpable que Nohant était fermé pour