Page:Liszt - F. Chopin, 1879.djvu/50

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restaient dans leurs propres foyers, en rentrant des champs dans leurs maisons qui ressemblaient à des chaumières, répétaient glorieusement : « Tout noble derrière sa haie, est l’égal de son palatin ». Szlachcić na zagrodzie, rówien wojewodzie. Mais, il y en avait beaucoup qui préféraient courir les chances de la fortune et se mettre eux mêmes ou leur famille, fils, sœurs, filles, au service des riches seigneurs et de leurs femmes. Aux jours des grandes fêtes, leur manque de parure, leur abstention volontaire, pouvaient seuls les exclure du privilège de se joindre à la danse. Les maîtres de la maison ne dédaignaient pas le plaisir de les éblouir, lorsque le cortège ruisselant des feux irisés d’une élégance somptueuse passait devant leurs yeux avides, devant leurs regards admiratifs, en qui parfois perçait l’envie, quoique cachée sous les applaudissemens de la flatterie, sous les dehors de l’honneur et de l’attachement.

Pareille à un long serpent aux chatoyans anneaux, la bande rieuse qui glissait sur les parquets, tantôt se déroulait dans toute sa longueur, tantôt se repliait pour faire scintiller dans ses contours sinueux le jeu des couleurs les plus variées, pour faire bruire comme des sonnettes assourdies les chaînes d’or, les sabres traînans, les lourds et superbes damas brodés de perles, rayés de diamans, parsemés de nœuds et de rubans aux frou-frou bavards. Le murmure des voix s’annonçait de loin, semblable à un gai sifflement, ou bien il